Cet arrêt est commenté par :

- M. LANDEL, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin, mars 2013, p. 12.

- M. GROUTEL, Revue « RESPONSABILITE CIVILE ET ASSURANCES », 2013, n° 4, avril, p. 23.

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 7 février 2013

N° de pourvoi: 12-12.875

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 novembre 2011), que M. X..., éducateur, a été suspendu de ses fonctions le 16 novembre 1987, par arrêté du ministre de la justice ; qu'après son passage en conseil de discipline le 4 mars 1988, M. X... a fait l'objet d'une sanction avec déplacement d'office ; que cette sanction a été validée par un arrêté ministériel du 14 mars 1988 ; qu'il a ensuite été reproché à M. X... de n'avoir pas rejoint son nouveau poste en temps utile ; que sa radiation des cadres de l'éducation surveillée a été prononcée par arrêté du Garde des Sceaux, en date du 25 août 1988 ; que M. X... a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, et a contesté devant le tribunal administratif, les arrêtés ministériels qui lui avaient été notifiés ; que M. Y... a pu obtenir la suspension puis l'annulation de l'arrêté de radiation, à la suite de jugements rendus les 20 décembre 1988 et 21 mars 1989 par le tribunal de Marseille ; que M. X..., seul ou avec l'assistance de son avocat, a engagé de multiples recours contentieux, pour obtenir réparation du préjudice que lui avait causé sa radiation des cadres de l'éducation surveillée, mais aussi pour obtenir la suppression de la sanction de déplacement d'office maintenue à son encontre ; que de nombreuses décisions ont été rendues par le tribunal administratif de Marseille, au cours de la période 1988-1999 ; que le 19 mai 1990 M. X... a fait l'objet d'une agression dans le cadre de ses fonctions, de la part d'un mineur, qui lui a porté un coup de couteau lui causant un arrêt de travail qui a été prolongé jusqu'au 29 juin 1990 ; que M. X... a mandaté M. Y... afin d'engager une action en indemnisation de son préjudice ; qu'estimant que son avocat avait manqué à son obligation de diligence, d'information et à son devoir de conseil, M. X... l'a assigné en réparation le 13 juillet 2004 devant un tribunal de grande instance ; que M. Y... a fait l'objet d'une mesure de redressement judiciaire civil prononcée le 23 octobre 2007 ; que M. de Z..., désigné en qualité de mandataire judiciaire, est intervenu volontairement dans la procédure ; que le 23 décembre 2008 M. X... a assigné la société Assurances générales de France devenue Allianz (l'assureur), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de M. Y... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action directe engagée contre l'assureur de responsabilité civile professionnelle de son conseil M. Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que si l'action de la victime d'un dommage contre l'assureur de responsabilité trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit en principe par le même délai que l'action de la victime contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l'assureur tant que celui-ci est exposé au recours de son assuré, en vertu des dispositions des articles L. 124-3 du code des assurances et 2244 du code civil ; que le fait par l'assureur d'user du droit que lui confère l'assuré dans le contrat d'assurance de diriger le procès intenté à celui-ci par la victime, suspend, tant que dure cette direction, le cours de la prescription édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances ; qu'en l'espèce, en jugeant que même lorsque la direction du procès conférée à l'assureur par une clause de la police de responsabilité civile l'assureur reste juridiquement un tiers dans l'instance en responsabilité de sorte qu'il doit être appelé en garantie dans l'instance à défaut d'intervention volontaire de sa part dans le délai de recours de l'assuré contre son assureur, et donc en déniant à une clause de direction du procès tout effet suspensif de la prescription de l'action dont puisse bénéficier la victime dans son action directe contre l'assureur, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

2°/ que selon les dispositions des articles L. 124-3 du code des assurances et 2244 du code civil, si l'action de la victime d'un dommage contre l'assureur de responsabilité trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit en principe par le même délai que l'action de la victime contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l'assureur tant que celui-ci est exposé au recours de son assuré, soit en vertu de l'ancien article 2277-1 du code civil alors applicable, dans un délai se prescrivant par dix ans à compter de la fin de la mission de la personne légalement habilitée à représenter une partie en justice, le cas échéant prorogeable de deux ans correspondant au délai de recours de l'assuré contre son assureur ; que le fait par l'assureur d'user du droit que lui confère l'assuré dans le contrat d'assurance de diriger le procès intenté à celui-ci par la victime, suspend, tant que dure cette direction, le cours de la prescription édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances ; qu'en l'espèce, s'agissant de la première action en responsabilité engagée contre l'Etat, en se contentant de relever que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité de M. Y..., pour cette première procédure peut donc être fixé avec certitude au 21 février 1995, ce qui rend recevable l'action en responsabilité introduite par acte du 13 juillet 2004, mais pas l'action directe engagée contre la société Allianz, par acte du 23 décembre 2008, sans rechercher, ainsi que l'y invitait M. X..., si la prise de direction par l'assureur du procès l'opposant à M. Y... avait eu pour effet de suspendre le cours de la prescription biennale et de proroger d'autant la prescription de l'action directe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

Mais attendu que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice ; que cette action directe n'étant pas subordonnée à la mise en cause de l'assuré, l'interruption ou la suspension de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre l'assuré est sans effet sur l'action directe dirigée contre l'assureur ;

Et attendu que l'arrêt retient exactement que l'action directe exercée par M. X... contre l'assureur de responsabilité est soumise au même délai de prescription que l'action en responsabilité engagée contre l'assuré et exige pour aboutir que la responsabilité de l'assuré soit démontrée ; que M. X... tente de faire valoir que l'assureur a pris dans les intérêts de son assuré, M. Y..., la direction du procès dès le 26 juillet 2004, et fonde cette argumentation sur un courrier de la société de courtage des barreaux qui a précisé au conseil de M. X..., qu'elle allait saisir l'assureur, qui paraissait "être en risque pour qu'il constitue dans la défense" les intérêts de M. Y... ; qu'à supposer que la police de responsabilité civile de M. Y... contienne une clause de direction du procès au profit de l'assureur, il n'en demeure pas moins que cet assureur reste juridiquement un tiers par rapport à l'instance en responsabilité, à défaut d'intervention volontaire de sa part ou d'appel en garantie ; que l'action directe qui n'avait été mise en oeuvre par M. X... que par acte du 23 décembre 2008 à l'encontre de l'assureur, obéissait à la même prescription que l'action en responsabilité professionnelle qui concerne M. Y... et était prescrite pour avoir été engagée plus de dix ans après la fin du mandat de l'avocat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à MM. Y..., de Carrière et à la société Allianz IARD la somme globale de 2 500 euros ;