Je souhaitais faire un point sur la mesure d’éloignement la plus connue et qui concentre pratiquement 90 pourcent du contentieux lié à l’immigration en France. Je me suis aperçu que mes clients n’ont souvent pas assez d’informations sur ce qu’est une obligation de quitter le territoire et sur les conséquences qu’elle fait peser. Elles sont pourtant nombreuses et entrainent une précarité massive pour les ressortissants étrangers.
D’abord, un petit retour en arrière. Les OQTF ça date de quand ? et pourquoi les a-t-on créées ?
C’est la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration qui a introduit une mesure d’éloignement spécifique (distincte de la reconduite à la frontière de l’époque) dans le but d’une efficacité accrue (et oui ce n’est pas une blague les OQTF au départ avaient été pensées comme une mesure plus efficace). Après seulement deux ans d’application en 2008, l’échec massif avait déjà été dénoncé dans un rapport parlementaire auquel il n’a (comme d’habitude) été donné aucune suite.
En fait, qu’est-ce que c’est une OQTF ?
Très simplement, il s’agit pour la personne sous le coup de cette mesure d’éloignement de quitter la France. A partir du moment où elle sort du territoire, la mesure est exécutée et elle disparait. Imaginons que la personne soit tunisienne et qu’elle se voit opposer une obligation de quitter le territoire suite à un refus de titre de séjour : dès lors qu’elle met le pied en Tunisie, la mesure est exécutée et on ne peut plus lui opposer.
Pourquoi est-ce que ça pose autant de problème ?
C’est là toute la subtilité des OQTF. Une fois que le ressortissant étranger regagne son pays, l’OQTF est exécutée et il peut refaire une demande de titre de séjour auprès des services du consulat français de son pays. SAUF QUE, il existe parmi les petites cases prévues par les formulaires des fonctionnaires des services des visa une qui prévoit « le risque migratoire ». Un risque migratoire c’est quand ils estiment que s’ils donnent un visa à cette personne, elle ne reviendra jamais dans son pays et restera en France (à travailler pour les entreprises françaises et à payer des impôts bref clairement à enrichir le pays mais ça ils n’y pensent pas trop en général…). Et c’est là que le bât blesse : le consulat qui oppose un risque migratoire va refuser le visa et il ne sera plus possible de revenir en France de manière régulière. Il faudra faire une procédure contre le refus de visa et ensuite devant le Tribunal administratif de Nantes.
Et si le ressortissant étranger ne retourne pas dans son pays ?
C’est le parcours du combattant et de la précarité. Exécutable pendant une période d’un an, la mesure empêche de déposer une demande de titre de séjour auprès de la préfecture. Le risque d’être éloigné de force est permanent. Et à part demander le relèvement de cette mesure au préfet qui l’a prise (cas spécifique et très rare ne concernant que les titres de séjour de droit), on ne peut rien faire.
Que faire alors ?
Il faut bien évidemment contester la décision d’obligation de quitter le territoire. C’est là que le ressortissant étranger doit faire attention car il existe un délai restreint pour contester cette décision. Une fois celui-ci expiré, il ne sera plus possible de déposer un recours auprès du Tribunal administratif.
Quel délai ?
En général, le délai prévu par l’article L. 511-1 I du CESEDA est de 30 jours. Je dis « en général » car c’est ce qui arrive le plus souvent quand l’OQTF est associée à un refus de titre de séjour. Vous devez impérativement dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision, consulter un avocat pour qu’il puisse vous défendre et déposer un recours au Tribunal. Une OQT sans délai doit être contestée dans les 48 heures qui suivent sa notification. L’absence de délai est justifiée par les préfectures pour les personnes ayant déjà fait l’objet d’une telle mesure dans le passé et qui se sont maintenues sur le territoire.
Mais si le ressortissant étranger retourne dans son pays, il existe une chance qu’il ne puisse jamais revenir à cause du risque migratoire opposé par les consulats ?
C’est toute l’absurdité de la chose. S’il reste son statut ne fait que se précariser. S’il part, il se peut qu’il ne puisse revenir que par le biais de filière illégale d’immigration dont on connait les risques.
C’est donc une mesure particulièrement grave ?
Oui puisqu’elle interdit toute demande de titre pendant sa durée d’exécution. Bien souvent, on entend dire de la part des magistrats du Tribunal que ce n’est pas si grave car les préfectures n’exécutent pas les obligations de quitter le territoire. C’est l’arbre qui cache la forêt. Une personne sous le coup d’une mesure d’éloignement n’a aucune chance de régulariser sa situation administrative. Et plus longtemps, elle reste sans papier, et plus ses chances de se régulariser seront faibles. Il ne faut donc pas se leurrer en se disant que parce que la décision n’est pas exécutée, elle ne préjudicie pas.
Quelle solution ?
Bien évidemment la voie judiciaire. Un recours devant le Tribunal administratif compétent pour commencer. Le pire est de ne rien faire et de croire qu’en attendant la situation pourra se débloquer. C’est tout le contraire. Il est impératif que celui qui a pour objectif de rester en France engage toutes les procédures possibles dès le départ pour marquer sa volonté de se stabiliser sur le territoire français. Et à ce niveau-là, le recours à un avocat et à une défense de qualité est indispensable.
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