Aux termes de la législation en vigueur, la pension de réversion, y compris les pensions de réversion au titre du code des pensions civiles et militaires, n'est en principe soumise à aucune condition de nationalité.

Votre bien dévoué

Maître Amadou TALL

Avocat au Barreau de la Seine Saint Denis

Avocat à la Cour d'Appel de Paris

Téléphone : 06 11 24 17 52

Depuis l'étranger : Téléphone : 00 336 11 24 17 52

E-mail : amadoutall4@gmail.com

Lire la suite

Dans une affaire relativement récente, le Conseil d'Etat estime en effet qu'il ressort des termes mêmes des dispositions de la loi, en question, "que les pensions perçues par les ressortissants algériens ne sont pas revalorisables dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Dès lors, en déduit-elle que quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les retraités ou entre leurs ayants cause en fonction de leur seule nationalité.

La différence de situation, poursuit la Haute juridiction, existant entre d'anciens combattants ou entre leurs ayants cause, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions qu'ils perçoivent une différence de traitement.

Le juge suprême relève que si les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 avaient notamment pour objectif de tirer les conséquences de l'indépendance de l'Algérie et de l'évolution désormais distincte de son économie et de celle de la France, qui privait de justification la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution de l'économie française, la différence de traitement qu'elles créent, en raison de leur seule nationalité, entre les titulaires de ces prestations, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif.

En conclusion le Conseil d'Etat en conclut que ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier le refus opposé, d'une part par le payeur-général du Trésor, d'autre part par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, aux demandes présentées par la requérante en vue de la revalorisation de sa pension."

Les faits sont relativement simples : "La requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler un arrêt par lequel la cour régionale des pensions de Paris a, sur recours du ministre de la défense, d'une part, annulé le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de la Seine-Saint-Denis annulant les décisions par lesquelles l'administration a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décristallisation de sa pension de veuve, d'autre part au versement d'un supplément pour trois enfants et de la majoration pour invalidité, et, d'autre part, déclaré irrecevable son recours introduit à l'encontre de la décision de cristallisation.

Par ailleurs, réglant l'affaire au fond, la requérante demande au Conseil d'Etat de faire droit à ses demandes de première instance en annulant une décision du payeur général du Trésor et une décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

"Considérant que la requérante, de nationalité algérienne, a sollicité par lettre du 3 septembre 1995, d'une part auprès du payeur-général du Trésor, d'autre part auprès du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, la revalorisation de la pension de veuve qui lui a été attribuée par un arrêté du ministre des anciens combattants en date du 19 février 1991, du chef du décès de son époux, goumier dans l'armée française, tué en Algérie le 31 mai 1956 ;

Que ces demandes ont été rejetées respectivement les 19 octobre et 26 octobre 1995 ; que la requérante a contesté ces décisions devant la juridiction administrative par une demande enregistrée le 15 décembre 1995 ;

Qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2004 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a, sur le recours du ministre de la défense, annulé le jugement du 29 mai 2002 du tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité de la Seine-Saint-Denis qui avait fait droit à sa demande ;

Considérant que, dans sa requête sommaire, enregistrée le 26 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requérante avait soulevé des moyens tenant à la fois à la légalité externe et à la légalité interne de l'arrêt qu'elle attaque ;

Que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, elle était recevable à soulever, dans le mémoire complémentaire annoncé dans sa requête et qui, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 octobre 2004, n'était pas tardif, le moyen tiré de ce que sa demande devant les juges de première instance était dirigée contre les décisions des 19 octobre et 26 octobre 1995 précitées, et non contre l'arrêté du 19 février 1991 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la requérante avait demandé l'annulation des décisions du 19 octobre 1995 et du 26 octobre 1995 rejetant sa demande de revalorisation de sa pension et non l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 1991 portant concession de sa pension ;

Qu'il suit de là qu'en jugeant que la demande introduite par la requérante devant le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité de la Seine-Saint-Denis était irrecevable dès lors que l'arrêté portant concession d'une pension avait été notifié à l'intéressée le 13 novembre 1991 et que le délai de recours contre cet arrêté était expiré à la date à laquelle elle avait saisi la juridiction compétente, la cour régionale des pensions de Paris a dénaturé les pièces du dossier ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la requérante demande l'annulation des décisions du 19 octobre et du 26 octobre 1995 rejetant sa demande de revalorisation de sa pension ; que sa requête en ce sens, introduite le 15 décembre 1995, l'a été dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de ce que les conclusions de la requérante seraient tardives, doit être rejetée ;

Considérant qu'une distinction entre les personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 dans sa rédaction issue de la loi de finances du 30 décembre 2000 : Les pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l'Algérie sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat et garanties en application de l'article 15 de la déclaration de principe du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie ne sont pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuent à être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date (...) ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que les pensions perçues par les ressortissants algériens ne sont pas revalorisables dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, dès lors, et quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les retraités ou entre leurs ayants cause en fonction de leur seule nationalité ;

Que la différence de situation existant entre d'anciens combattants ou entre leurs ayants cause, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions qu'ils perçoivent une différence de traitement ;

Que si les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 avaient notamment pour objectif de tirer les conséquences de l'indépendance de l'Algérie et de l'évolution désormais distincte de son économie et de celle de la France, qui privait de justification la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution de l'économie française, la différence de traitement qu'elles créent, en raison de leur seule nationalité, entre les titulaires de ces prestations, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif ;

Que, ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier le refus opposé, d'une part par le payeur-général du Trésor, d'autre part par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, aux demandes présentées par la requérante en vue de la revalorisation de sa pension ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement du 29 mai 2002, le tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité de la Seine-Saint-Denis a déclaré fondée la demande de la requérante tendant à la décristallisation de sa pension ;

Que le contentieux des pensions est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente et, sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le montant de la pension servie à la requérante doit être fixé, à compter de la date d'attribution de celle-ci, au taux prévu pour les ayants cause des anciens combattants de nationalité française ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etat à verser à la requérante les arrérages correspondant à la différence entre le montant ainsi fixé et celui qui a déjà été versé à l'intéressée ; "

Décide : "Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions militaires de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du payeur-général du Trésor et la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à la requérante les arrérages correspondant à la différence entre le montant de la pension de veuve prévue pour les ayants cause des anciens combattants de nationalité française, à compter de la date d'attribution de cette pension, et celui qui lui a déjà été versé depuis cette date." (CE – III-2008)

Votre bien dévoué

Maître TALL Amadou

Avocat à la Cour d'Appel de Paris

Téléphone : 06 11 24 17 52

Depuis l'étranger :

Téléphone : 00 336 11 24 17 52

E-mail : amadoutall4@gmail.com