NON: sauf en matière de référés administratifs et de contentieux des étrangers, les justiciables peuvent seulement présenter à l'audience des juridictions administratives des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites et après le prononcé des conclusions du rapporteur public. Mais ils ne peuvent pas développer oralement des arguments (moyens) qui ne figurent pas dans leur requête et /ou dans leur (s) mémoire (s) écrit (s). Enfin, ils peuvent adresser très rapidement après l'audience au président de la formation une note en délibéré en réaction au prononcé des conclusions du rapporteur public.
Il est donc déconseillé voire contreproductif de reprendre oralement les arguments qui sont longuement développés dans les mémoires au risque de contrarier le président de la juridiction, qui lassé dans le meilleur des cas arrêtera poliment les effets de manches inutiles du plaideur ou dans le plus mauvais des cas fera semblant de l'écouter religieusement jusqu'à la fin en ponctuant les propos du "ténor" par quelques mimiques nerveuses laissant faussement penser qu'il partage sa brillante démonstration tellement appréciée de son client présent à l'audience (corps présent).
En effet, près de la moitié des justiciables présents à l'audience d'un tribunal administratif pensent qu'ils vont pouvoir s'exprimer et près des deux tiers souhaiteraient intervenir oralement après le prononcé des conclusions du rapporteur public et reproche à leur conseil de ne pas avoir tout dit. Mais peut-on vraiment développer oralement ses arguments à l'audience d'une juridiction administrative ? La procédure administrative étant une procédure écrite, la possibilité de présenter des observations orales à l'audience existe mais elle est strictement encadrée et très souvent limitée en durée.
1) - La possibilité de présenter des observations orales à l'appui des conclusions écrites existe bien ...
Tout d'abord, l'article R.732-1 du code de justice administrative dispose qu' « Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13 , le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites.
Lorsque le rapporteur public ne prononce pas de conclusions, notamment en application de l'article R. 732-1-1 , le président donne la parole aux parties après le rapport.
La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications.
Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition. »
2) ... mais il est impossible de développer oralement des arguments qui ne figurent pas dans le mémoire écrit !
« (...) Considérant, d'une part, qu'il ressort du dossier des juges du fond que le moyen articulé par M. Y... au soutien de sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié et tiré de son concubinage avec une personne bénéficiaire de cette qualité, ainsi que de la naissance de deux enfants reconnus par eux, n'a été présenté qu'oralement par l'intéressé au cours de la séance de la commission des recours des réfugiés et n'a pas été repris dans un mémoire écrit ; que, dès lors, la commission ne pouvait examiner ce moyen dont elle n'était pas valablement saisie ; (...) »
Conseil d'Etat, 2 SS, du 22 avril 1988, 78700, inédit au recueil Lebon
« (...) Si la loi du 25 juillet 1952 et notamment son article 5 dispose que les personnes qui introduisent un recours devant la commission de recours des réfugiés peuvent présenter leurs explications et s'y faire assister d'un conseil, la procédure suivie devant la commission, qui est une juridiction administrative, est essentiellement écrite. Dès lors, si, à l'audience au cours de laquelle la demande de M. T. a été examinée, l'intéressé était en droit de présenter des moyens nouveaux, il résulte du dossier soumis au juge du fond qu'il n'a déposé aucun mémoire écrit confirmatif. Par suite, la commission n'était pas tenue de répondre au moyen qu'il allègue avoir développé oralement. (...) »
Conseil d'Etat, 2 / 6 SSR, du 7 octobre 1991, 102875, publié au recueil Lebon
3) Cependant, les parties peuvent adresser très rapidement après l'audience une note en délibéré en réaction au prononcé des conclusions du rapporteur public dont ils ne connaissaient que le sens général mais pas le contenu.
L'article R.731-3 du code de justice administrative rappelle qu' « À l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. »
4) Mais dans la majorité des cas, l'intervention orale de l'avocat, dont la présence à l'audience permet de noter les arguments du rapporteur public en vue d'une éventuelle note en délibéré, se limitera à un très classique « Je m'en rapporte à mes écritures ».
C'est à cela qu'on reconnait le vrai publiciste ...
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