Nous somme enfin arrivé à la date de l'audience, moment tellement attendu par le client après parfois des années d'attente et des milliers d'appel téléphoniques à son avocat lui demandant de faire " accélérer " la procédure, comme si tout natuellement il en avait le pouvoir.
1) Le déroulement de l'audience devant le juge du fond
Il s'agit de l'audience qui fait suite à un recours en annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif et à un recours en indemnisation dit de « plein contentieux ».
Ces procédures étant écrites, le rôle de l'avocat à l'audience peut être réduit au prononcé de la phrase « rituelle » : « Je m'en rapporte à mes écritures ». Alors, est-il vraiment utile d'aller « plaider » ou plutôt présenter des « observations orales » ou alors « s'en rapporter à ses écritures » où « s'en rapporter à l'instruction de l'affaire » à l'audience d'une juridiction administrative ?
L'absence de l'avocat à l'audience, bien que sa présence ne soit pas obligatoire du fait du caractère écrit de la procédure, déçoit toujours le client qui y assiste parfois (« corps présent »).
Mais, surtout la mention « Et les observations de Maître Z, représentant Madame ou Monsieur X (éventuellement en sa présence si le client assiste à l'audience) ainsi que celle de Maître Z représentant la commune de Y », ne figurera pas sur la décision rendue, alors que même si l'avocat présent à l'audience se limite à dire « je m'en rapporte à mes écritures », la mention énoncée ci-dessus apparaîtra sur le jugement ou sur l'arrêt, et à sa seule lecture, on verra que l'avocat était bien présent à l'audience et qu'il a présenté des observations orales, même si çà n'a pas été le cas en l'espèce.
Ainsi, le client néophyte en droit administratif et absent à l'audience sera satisfait. Je constate que beaucoup de clients qui ont perdu leur procès devant une juridiction administrative, lorsque leur avocat ne s'est pas présentée à l'audience alors que c'est facultatif, se plaignent souvent auprès du Bâtonnier reprochant cette absence en lui imputant l' « échec ». Pour ce qui me concerne, je vais toujours aux audiences et en cas d'impossibilité je me fais toujours substituer par un confrère ou un collaborateur avocat.
2) La présence de l'avocat peut-elle être utile devant le juge administratif du fond ?
Bien que la présence de l'avocat soit facultative et qu'il soit impossible de développer à l'audience d'autres moyens que ceux exposés par écrit dans les mémoires, certains juges administratifs très attachés aux audiences, vous diront qu'un avocat particulièrement brillant, peut inverser par des « observations pertinentes », la tendance qui se dégage de la « note du rapporteur », du « projet de jugement » et des « conclusions du rapporteur public ».
J'avoue, que compte tenu du nombre d'affaires où le tribunal suit l'avis du rapporteur public, j'ai un doute sur la validité de cet argument...à moins que je ne soit pas particulièrement brillant...ce qui est fort possible.
Pour ce qui me concerne, dés que je reçois « l'avis d'audience » en provenance de la juridiction administrative, je communique la date de l'audience au client et je lui demande s'il souhaite y assister.
3) L'arrivée de l'avocat à la juridiction administrative
Généralement, l'avocat sera « accueilli » par un agent de sécurité d'une société privée (du même genre que ceux rencontrés dans les grandes surfaces) qui lui demandera sur un ton autoritaire, voire condescendant, de présenter sa carte professionnelle et qui le fouillera au prétexte des mesures « vigipirate ».
A la présentation de l'avis d'audience, le vigile consciencieux et suspicieux lui indiquera le chemin de la salle d'audience et lui fera quelques recommandations d'usage. (ne pas utiliser son téléphone portable par exemple) en l'appelant « Monsieur » malgré son titre d'avocat.
Parfois, c'est un fonctionnaire de la juridiction affecté à l'accueil qui remplit ce rôle ingrat mais indispensable, mais qui a à peu près la même attitude et la même distance.
L'ancienneté de l'avocat ne lui donnant aucun privilège, il n'est pas rare qu'un avocat chevronné en contentieux administratif se voit alors prodiguer quelques conseils juridiques de base comme à un justiciable néophyte.
Après avoir mis sa robe souvent au milieu de justiciables tendus attendant leur tour (tous les tribunaux n'ayant pas de locaux réservés aux avocats), l'avocat se présentera au « greffier d'audience » arrivé normalement un peu en avance pour se signaler.
Il lui faudra au préalablement connaître le « numéro RG de son affaire » et si possible son « rang » sur le « rôle d'audience » normalement affiché à l'entrée de la salle d'audience.
Certaines juridictions administratives, au summum de la modernité, mettent en ligne les rôles d'audience, mais c'est assez rare et ne soyez pas surpris si très souvent, le rôle papier n'est même pas affiché à l'entrée de la salle avant l'audience.
Dans certaines juridictions administratives, le greffier d'audience vous fera remplir une fiche de présence dans laquelle il vous faudra rappeler vos coordonnées, indiquer si vous substituez un confrère, préciser si vous intervenez au titre de l'aide juridictionnelle, indiquer les noms prénoms de votre client, dire s'il est présent à l'audience....
Il vous appartiendra ensuite de remettre, sur la pointe des pieds afin de ne pas faire craquer le vieux plancher du tribunal (je pense au Tribunal administration de MELUN où j'apprécie beaucoup d'aller), ce document précieux au greffier d'audience en veillant à ne pas perturber le rapporteur public dans la lecture de ses conclusions ni le bon déroulé des débats de l'affaire en cours.
Puis, vous irez vous asseoir sagement dans la salle d'audience, à partir du deuxième rang, le premier étant réservé aux dossiers en cours d'examen et vous devrez rester très silencieux même si vous m'y rencontrez ce jour là et que vous avez beaucoup de choses à me dire.
Vous vous assoirez aux « bancs de droite » en regardant le tribunal si vous êtes en « demande » (généralement un particulier) (à gauche du tribunal) et aux « bancs de gauche » en regardant le tribunal si vous êtes en « défense ». (généralement l'administration) (à droite du tribunal).
Ce serait donc salutaire pour vos finances et votre notoriété si vous étiez toujours assis au banc de gauche. (humour)
Pour ce qui me concerne, je suis malheureusement trop souvent assis au banc de droite. (humour également).
Votre ordre de passage ne tiendra plus compte de votre statut (par exemple avocat aux conseils), de votre ancienneté et de votre éloignement géographique, de votre état de santé, les affaires étant appelées généralement en fonction de leur rang sur le rôle d'audience. Ne comptez surtout pas sur la confraternité pour vous éviter une longue et fastidieuse attente, ni sur l'organisation de la juridiction, qui convoque tout le monde à la même heure depuis des lustres.
4) L'entrée des magistrats dans la salle d'audience
Une sonnerie actionnée par le greffier d'audience, suivi de son annonce à voix haute « le tribunal » préviennent de l'entrée imminente dans la salle d'audience de la juridiction.
Il y a généralement un président, deux conseillers assesseurs et un rapporteur public. Parmi les conseillers un sera désigné comme rapporteur de l'affaire évoquée et lira le « rapport de synthèse ».
Il peut également y avoir un juge unique avec ou sans rapporteur public.
Il vous appartiendra donc de vous lever et d'adopter l’attitude qui sied à la considération et au respect que les avocats portent à l'institution judiciaire.
5) Le déroulement de l'audience
Le greffier remet au président les dossiers des affaires dont au moins une des parties est présente dans la salle d'audience ou représentée. Il peut également lui donner les dossiers dont les parties ont annoncé qu'elles arriveraient en cours de séance (« lettre de retenue envoyée par l'avocat avec copie à l'adversaire »).
- Le président appelle à voie haute l'affaire et donne la parole au « rapporteur ».
- Le « rapporteur » lit son rapport écrit qui contient l'analyse des conclusions (demandes) et des moyens (arguments) des parties, la mention des textes juridiques en cause et la liste des points que devra examiner la juridiction.
- Le président donne alors la parole au rapporteur public pour la lecture de ses conclusions.
Le rôle du rapporteur public a été précisé par un arrêt du Conseil d’État du 10 juillet 1957, n°26517, recueil Lebon qui précise qu' « il est chargé d'exposer les questions que présentent à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstance de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions, qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction ». Le sens des conclusions du rapporteur public est important car il est très souvent suivi par la juridiction. Mais il peut arriver dans quelques situations que la juridiction administrative ne suive pas cet avis.
- Le président donne enfin la parole au requérant et au défendeur pour leur éventuelles observations. Il est d'usage d'être très bref et de ne pas reformuler oralement des moyens exposés par écrit. Par contre, il est possible d'attirer l'attention du tribunal sur quelques points particulièrement utiles à la solution du litige. Généralement, l'avocat s'en rapportera à l'instruction écrite de son dossier afin de ne pas faire perdre de temps à la juridiction en se limitant à paraphraser ses écritures. En réaction aux conclusions du rapporteur public, lesparties peuvent produire une « note en délibéré » Les parties ne peuvent pas dialoguer entre elles, seul le président de la juridiction peut poser des questions aux parties.
Si le président omettait de donner la parole aux parties présentes, ce serait un moyen d'annulation du jugement pour violation d'une formalité substantielle.
- A l'issue des observation des parties, le président met l'affaire en « délibéré » et passe à l'affaire suivante.
Les parties recevront la notification la décision à l'issue du délibéré par lettre recommandée avec accusé de réception. Les magistrats délibèrent en nombre impair et seuls sont présents ceux qui ont participé à l'audience à l'exception du rapporteur public. Ils votent à mains levées mais leur vote doit rester secret, c'est pour cela que le délibéré est à « huis clos ». Un jugement qui mentionnerait qu'il a été rendu à « l'unanimité » serait illégal et donc annulable car il révélerait ainsi le sens des votes de chacun.
- Le délai d'appel ou de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de cette notification aux parties. L'avocat en recevra communication uniquement par lettre simple ou par l'application « télé-recours »
Dans deux prochaines chroniques, si mon site ne connaît pas le triste sort qui lui est réservé, je traiterai de l'audience dans les procédures d'urgence et en droit des étrangers.
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