OUI : et le juge administratif saisi par l’employeur public va apprécier au cas par cas, eu égard aux fonctions occupées par l’agent public, à la publicité donnée aux propos (résonnance publique dans les médias à forte audience (télévision, radio, presse écrite …) s’il y a manquement au devoir de réserve ou non.
1 – L’obligation de réserve : une exception limitée au principe général de liberté d’opinion des fonctionnaires et contractuels en dehors de leurs fonctions.
L’obligation de réserve s’applique uniquement aux prises de position des fonctionnaires hors cadre professionnel et dans l’espace public.
Il résulte d’une construction jurisprudentielle du Conseil d’Etat.
Cette obligation de réserve trouve son origine dans un arrêt du Conseil d’État du 15 janvier 1935 (Sieur Bouzanquet).
En l’espèce, il s’agissait d’une affaire opposant Monsieur Bouzanguet…, employé de bureau à la chefferie du Génie à Tunis, ayant tenu des propos publics ayant pour substance de vives critiques à l’égard de la politique du Gouvernement de l’époque.
Ces paroles et propos diffamatoires, tenus hors service et sanctionnés pénalement, furent jugés comme des manquements à l’obligation de réserve.
Monsieur B… fut déplacé immédiatement de Tunis à Grenoble.
Dans un autre arrêt du 10 février 1939, (Sieur Wynants), le Conseil d’État du 10 février 1939, un manquement à cette obligation de réserve fut reproché à Monsieur WYNANTS, secrétaire général de la ville de Saint-Maurice, révoqué sans nulle indemnité pour avoir participé dans un journal local à une campagne contre la municipalité de cette ville.
D’autres jugements suivants ont depuis créé une jurisprudence sur laquelle repose entièrement cette notion d’obligation de réserve.
Plus récemment, dans un arrêt en date du 23 avril 2009, le Conseil d’Etat confirma le limogeage du sous-préfet de Saintes pour avoir rédigé à son nom une tribune sur un site internet.
Conseil d'Etat, 11 juillet 1939, ville d'Armentières ;
Conseil d'Etat, Assemblée, du 13 mars 1953, 07423, publié au recueil Lebon
« La révocation du directeur du Centre national de la recherche scientifique doit, comme sa nomination, être prononcée par décret. Aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu la consultation du conseil d'administration et du directoire du C.N.R.S. et le décret du 11 juin 1949 réorganisant ledit centre a pu valablement ne prévoir aucune consultation de ces organismes, en l'absence de disposition législative imposant l'accomplissement de ces formalités. Le directeur du C.N.R.S. a pu légalement être révoqué en raison de la diffusion dans la presse, par un groupement dont il est président d'honneur, d'une lettre ouverte se livrant à des attaques violentes et injurieuses contre le gouvernement français. Ceci encore bien qu'il n'ait pas participé à l'élaboration de cette lettre et ne l'ait pas signée, dès lors qu'il a refusé d'en désavouer les termes et s'est ainsi solidarisé avec les signataires. Le président d'honneur d'un groupement ayant diffusé dans la presse une lettre injurieuse pour le gouvernement, lettre à l'élaboration de laquelle il n'a pas participé, mais dont il a refusé de désavouer les termes a commis un fait de nature à justifier une sanction disciplinaire ; en l'espèce, révocation de l'intéressé de ses fonctions de directeur du centre national de recherche scientifique. »
Conseil d’Etat, 1er octobre 1954, sieur Guille ;
Conseil d’Etat, 24 avril 1963, sieur Durrieu ;
Conseil d’Etat, 10 mars 1971, sieur Jannès) ;
La réserve qui s’impose à l’agent public concerne aussi bien le fonctionnement de son service ou de l’administration en général que les sujets politiques, religieux ou philosophiques et plus généralement l’ensemble des débats de société.
Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23/04/2009, 316862, Publié au recueil Lebon
« Eu égard aux responsabilités qui sont celles d’un sous-préfet d’arrondissement, en publiant sous sa signature un article dans lequel il s’exprimait de manière vivement polémique à l’égard tant de différentes personnalités françaises que d’un Etat étranger et alors même qu’il traitait de questions sans rapport avec l’exercice quotidien de son activité de sous-préfet, l’intéressé s’est placé dans une situation incompatible avec l’exercice de ses fonctions. Par suite, l’administration était fondée, dans l’intérêt du service, à estimer qu’il n’était plus en mesure de les assumer. »
2 - L’appréciation par le juge administratif de la violation de l’obligation de réserve par l’agent public.
Ainsi, le juge administratif saisi va apprécier au cas par cas, eu égard aux fonctions occupées par l’agent public, à la publicité donnée aux propos (résonnance publique dans les médias à forte audience (télévision, radio, presse écrite), publication sur les réseaux sociaux (si accès ouvert à tous ou pas, si forte audience de la publication (beaucoup de « like » ou pas)), si mention sur les réseaux sociaux de la qualité d’agent public), événement public d’envergure ou réunion importante de service ) s’il y a manquement au devoir de réserve ou non.
3 – Les sanctions encourues en cas violation de l’obligation de réserve par l’agent public.
Le manquement au devoir de réserve constitue une faute pouvant motiver l’exercice d’une procédure disciplinaire à l’encontre de l’agent public pouvant aller jusqu’à sa révocation de la fonction publique.
Pas de contribution, soyez le premier