Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, Christian Descheemaeker, président de la septième chambre et Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général et président de chambre ont présenté, mardi 27 octobre, le rapport sur « La conduite par l'État de la décentralisation ».
Ce rapport vise à rendre compte du processus de transfert et de répartition des compétences opéré lors de la deuxième vague de décentralisation, à montrer les limites des modes de financement retenus et la nécessité de conduire à une rationalisation des dépenses et des effectifs publics.
1.- L'objectif de la rationalisation de l'organisation administrative n'a pas été atteint
Selon la Cour des comptes, l'ambition d'une organisation décentralisée de la République supposait de clarifier la répartition des compétences, en hiérarchisant et spécialisant des échelons de décentralisation, pour conduire à un meilleur ordonnancement de l'organisation territoriale. La seconde décentralisation n'aurait pas répondu à ces objectifs en raison de :
- l'absence de bilan approfondi de la première décentralisation ;
- une conduite hésitante du processus de décentralisation ;
- des expérimentations trop limitées ;
- la persistance de défauts de spécialisation de chaque échelon territorial, et l'émergence contrariée de la région ;
- le maintien de l'État dans des dispositifs décentralisés.
La haute juridiction financière formule, dès lors, deux recommandations :
- resserrer les missions des instances paritaires de suivi des relations entre l'État et les collectivités en confortant la vocation de pilotage global et à long terme de la conférence nationale des exécutifs ;
- piloter et encourager de façon interministérielle les expériences innovantes en veillant à un nombre suffisant de cas et au respect d'une période suffisamment longue pour étayer la décision finale.
2.- Des mécanismes de financement « ni satisfaisants, ni viables à long terme dans le domaine social »
La cour des comptes part du constat que les collectivités territoriales ont eu le sentiment de perdre la maîtrise de leur équilibre financier, confrontées qu'elles étaient au transfert de charges particulièrement dynamiques et à la part croissante, dans leurs ressources, des dotations de l'État sur lesquelles elles n'avaient aucune maîtrise. Ce constat est d'autant plus fort s'agissant du financement de la décentralisation en matière sociale.
La cour dénonce :
- le fractionnement de la fiscalité nationale qui est une réponse artificielle à l'exigence de ressources propres en raison :
- de la constitution d'un cadre contraignant pour la compensation financière de l'acte II de la décentralisation ;
- un mode de financement de l'acte II de la décentralisation particulièrement confus.
- un principe de compensation intégrale délicat à mettre en oeuvre ;
- le financement non assuré de la décentralisation sociale.
Pour remédier à ces dysfonctionnements constatés, la cour recommande de :
- simplifier les modes de financement de la décentralisation en limitant la confusion entre fiscalité nationale et ressources propres ;
- améliorer la gestion des dispositifs de solidarité nationale décentralisés, d'une part, en offrant des marges de manoeuvre plus importantes dans la relation entre la caisse de protection sociale chargée de la dépendance et les conseils généraux, d'autre part, en adaptant et en stabilisant les ressources affectées à la lutte contre l'exclusion menée par les départements ;
- apurer les contentieux secondaires sur les compensations financières ;
- incorporer le principe de péréquation dans le dispositif de transferts financiers, garantie de l'équité entre les citoyens : les indicateurs doivent isoler les bases initiales de compensation, les dépenses discrétionnaires engagées par les collectivités, ainsi que les écarts de richesse relatifs entre collectivités.
3.- Des résultats « ambigus » quant à l'objectif de la rationalisation de la dépense et des effectifs
La cour résume ainsi clairement la situation : « Alors que les collectivités territoriales reprenaient progressivement à leur charge des politiques jusqu'alors assumées par l'État, les dépenses de l'État n'ont pas été réduites jusqu'en 2006 et celles des collectivités n'ont cessé de progresser ». Elle déplore :
- des dépenses en progression ;
- des effectifs croissants dans les collectivités territoriales, y compris dans celles non concernées au premier chef par la décentralisation ;
- des effectifs de l'État globalement peu sensibles à la décentralisation.
Elle suggère de :
- mettre en place une évaluation partagée des coûts par politiques décentralisées afin de dépasser les conflits budgétaires entre l'État et les collectivités au profit d'une approche plus globale et plus qualitative de l'approche des coûts :
- veiller à l'effectivité des restructurations administratives et des adaptations d'effectifs selon les nouveaux périmètres de l'État en évitant les doublons avec l'organisation arrêtée par les collectivités territoriales.
À la veille de la réforme territoriale, animée par la volonté de rationalisation de l'organisation administrative et de la recherche de la proximité à meilleur coût, il appartiendra de nouveau à l'État français, de réexaminer le processus de décentralisation.
Sources :
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