Une salariée enceinte bénénéficie d'un régime protecteur. Son licenciement est subordonné non seulement à une condition de fond mais également à une condition de forme. En effet, selon l'article L. 1225-4 du Code du travail l'employeur qui envisage de licencier une salariée en état de grossesse médicalement constaté doit justifier :
- d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse
- ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir le contrat.
Ce même texte exige que l'employeur énonce le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement (Soc. 24 octobre 2000 n°98-41937).
Le respect de ces deux conditions est impératif, à défaut de quoi le licenciement est nul, et la réintégration de la salariée doit être ordonnée si elle le demande (article L.1232-6 du Code du travail).
Mais qu'en est-il lorsque l'employeur enisage de supprimer le poste occupé par la salariée enceinte et la licencier pour motif économique ?
L'arrêt rendu le 6 janvier 2010 par la Chambre sociale de la Cour de cassation répond à cette question et confirme ainsi la jurisprudence déjà rendue en cette matière.
Dans cette affaire, l'entreprise avait perdu un de ses clients principaux et devait donc, pour sauvegarder sa compétitivité, fermer le service et supprimer le poste d'une salariée enceinte. Considérant qu'il n'avait pas la possibilité de maintenir le contrat de la salariée enceinte, et ce pour un motif étranger à sa grossesse, l'employeur à licencié économique cette dernière.
Ce licenciement est annulé au motif que l'existence d'un motif économique de licenciement ne caractérise pas, à elle seule, l'impossibilité de maintenir le contrat (cass. soc. 28 septembre 2004, n° 02-40055 FD ; cass. soc. 21 mai 2008, n° 07-41179, BC V n° 110). Les juges estiment ainsi que la lettre de licenciement n'était pas suffisamment motivée au regard des dispositions combinées des articles L1232-6 et L1225-4 du code du travail, de sorte qu'en l'espèce le licenciement devait être déclaré nul.
De cette décision, il résulte donc que l'employeur doit préciser, dans la lettre de licenciement, en quoi les raisons économiques motivant la rupture, l'empêchent de maintenir le contrat de travail pendant cette période de protection légale. Et dans les faits, il est bien évident que cette preuve sera difficile à apporter, ne serait-ce que parce que le licenciement économique induit l'existence d'un préavis et donc la possibilité de maintenir le contrat.... au moins provisoirement.
Jean-Philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
11 Bd voltaire – 21000 DIJON
Tèl. 03.80.48.65.00
Cass. soc. 6 janvier 2010, n° 08-44626 D « il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1225-4 du code du travail que l'employeur, lorsqu'il licencie une salariée en état de grossesse médicalement constatée est tenu de préciser, dans la lettre de licenciement, le ou les motifs non liés à la grossesse ou à l'accouchement pour lesquels il se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pendant les périodes de protection dont bénéficie la salariée, l'existence d'un motif économique de licenciement ne caractérisant pas, à elle seule, cette impossibilité ; la lettre de licenciement, notifiée pendant la période de protection, se bornant, selon les termes rappelés par la Cour, à tirer l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que cette lettre ne visait pas l'un des motifs prévus par l'article L. 1225-4 du code du travail, a légalement justifié sa décision ».
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