Comme chacun ne l'a sans doute pas lu en créant son compte Facebook, les conditions générales d'utilisation du réseau social disposent, en leur article 15, que:
"Vous porterez toute plainte, action en justice ou contestation (« action ») afférente à cette Déclaration ou à Facebook exclusivement devant un tribunal américain du Northern District de Californie ou devant un tribunal d’État du comté de San Mateo, et vous acceptez de respecter la juridiction de ces tribunaux dans le cadre de telles actions. Le droit de l’État de Californie régit cette Déclaration, de même que toute action entre vous et nous, sans égard aux dispositions en matière de conflits de lois."
Cela signifie qu'en cas de contentieux avec Facebook, le tribunal saisi par l'utilisateur français devrait être une juridiction californienne. S'appliquerait en outre au litige le droit de l'Etat de Californie.
Ces conditions générales sont la conséquence de la mise en oeuvre du principe d'autonomie de la volonté qui veut, qu'en matière de contrats internationaux, les parties puissent choisir elles-même le droit et le tribunal compétent à leur accord.
Si cette solution est souvent tout à fait opportune en matière de contrats internationaux, elle est largement contestable en l'espèce du fait du déséquilibre entre Facebook et son cocontractant.
C'est ainsi que par arrêt en date du 12 février 2016, la Cour d'appel de Paris a confirmé une ordonnance rendue le 5 mars 2015 par le TGI de Paris. Elle approuve ainsi l'idée selon laquelle la clause attributive de juridiction au profit des tribunaux californiens, et figurant dans les conditions générales d'utilisation, constitue une clause abusive.
Monsieur X. avait ouvert un compte Facebook le 15 octobre 2008. Le 27 février 2011, son compte avait été désactivé par Facebook.
Par acte en date du 4 octobre 2011, Monsieur X. a assigné la société Facebook France, établissement français de la société Facebook UK Ltd, pour obtenir la réactivation de son compte puis a assigné en intervention forcée la société Facebook Inc qui a soulevé l’incompétence de la juridiction française.
Par une ordonnance rendue le 5 mars 2015, le juge de la mise en état de la 4ème chambre deuxième section du tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l’exception d’incompétence du juge de la mise en état soulevée par Monsieur X. ;
- déclaré abusive la clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes prévue à l’article 15 des conditions générales du contrat souscrit par Monsieur X. auprès de la société Facebook Inc ;
- dit que cette clause est réputée non écrite ;
- rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Facebook Inc ;
- dit que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître du litige introduit par Monsieur X. à l’encontre de la société Facebook Inc ;
- réservé les dépens et les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état du 21 mai 2015 à 13h30 ;
- enjoint à la société Facebook Inc de conclure avant le 7 mai 2015.
Par un acte du 16 avril 2015, la société Facebook Inc a interjeté appel de cette décision, qui a donc été confirméepar arrêt du 12 février 2016.
La Cour d'appel de Paris a en effet rejoint le juge de première instance quant à la qualification de « contrat de consommation » concernant la relation unissant Facebook et son utilisateur: Si le service fourni par Facebook est bien gratuit, le réseau social en retire des bénéfices importants, grâce aux applications payantes et à la publicité. Au surplus, le contrat qui lie le réseau social à l'utilisateur est un contrat d'adhésion.
La Cour d'appel, qui relève que l'utilisateur n'avait pas d'activité professionnelle sur Facebook, vise ensuite les articles 15 et 16 du règlement européen sur la compétence internationale (réglement « Bruxelles I »). Le contrat est donc bien un contrat de consommation, le juge français est donc compétent pour statuer sur la licéité de la clause.
S'appuyant sur l'article L. 132-1 du Code de la consommation sur les clauses abusives et sur l'article R. 132-2 du même code, la Cour conclut au déséquilibre de la clause, qui crée une « entrave sérieuse » à l'action en justice de l'utilisateur. Dès lors, la Cour d'appel ne peut que juger la clause abusive et donc réputée non écrite. Le Tribunal de grande instance de Paris est donc compétent pour connaître du litige en question.
Ainsi, sous réserve d'une confirmation de cette jurisprudence, les utilisateurs de Facebook pourraient désormais saisir le juge français d'un différend les opposants à Facebook.
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