En application de l’article L132-13 alinéa 2 du code des assurances, les règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ne s’appliquent pas aux primes versées sur un contrat d’assurance vie.
Il existe cependant une limite à ce principe : si les règles du rapport à la succession et de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s’appliquent pas aux primes versées par le souscripteur sur son contrat, c’est sous la réserve que lesdites primes n’aient pas été manifestement exagérées eut égard aux facultés du souscripteur (article L132-13 al 2 du code des assurances).
Invoquer le caractère manifestement exagéré des primes est ainsi un moyen régulièrement employé par les héritiers d’un souscripteur pour tenter de faire réintégrer à la succession des sommes que leur ascendant en a fait sortir en les investissant sur un contrat d’assurance vie.
Démontrer le caractère manifestement exagéré des primes n’est cependant pas chose aisée.
L’article L132-13 du code des assurances se contentant de viser le caractère manifestement exagéré des primes sans préciser les critères qui le déterminent, ces derniers ont été dégagés par la jurisprudence.
Le caractère manifestement exagéré des primes doit ainsi être apprécié au regard de la situation financière globale de l’assuré au moment du versement des primes, les tribunaux examinant la proportion entre les primes versées et des facultés financières du soucripteur.
La partie qui soutient que des primes ont un caractère manifestement exagéré doit donc reconstituer la situation financière du souscripteur à la date du versement des primes contesté, ce qui peut s’avérer difficile.
L’utilité, la finalité de la souscription du contrat ainsi que l’âge du souscripteur doivent également être examinés.
D’autres éléments sont en revanche écartés par la jurisprudence.
La Cour de Cassation a ainsi considéré que l’intérêt des héritiers, lésé par le versement des primes, n’était pas un critère d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes (Cass 2ème civ 19/05/2016 n°15-19.458).
Dans cette affaire, Mme Y avait souscrit trois contrats d’assurance vie, dont elle avait désigné bénéficiaires trois associations caritatives.
A son décès, M.X, son fils unique et héritier, a assigné les associations bénéficiaires en demandant la réintégration des primes à l’actif successoral et leur réduction au motif que les primes versées sur les contrats étaient manifestement exagérées.
Ayant été débouté de ses demandes, M. Y s’est pourvu en cassation en reprochant à la Cour d’Appel de n’avoir notamment pas apprécié le caractère exagéré des primes au regard des intérêts des héritiers seuls lésés par le versement des primes, et d’autre part de ne pas avoir recherché l’utilité des contrats pour la souscriptrice, notamment au regard de son âge.
La Cour de Cassation rejette pour partie son argumentation en considérant que l’intérêt des héritiers n’est pas un critère d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes.
L’arrêt de la Cour d’Appel est cependant cassé sur un autre motif, la Cour de Cassation considérant de façon classique que la Cour d’Appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, l’utilité des contrats conclus pour la souscriptrice, notamment au regard de son âge.
L’existence d’un conflit familial n’est pas non plus un critère permettant de déterminer le caractère manifestement exagéré des primes, ainsi que l’a considéré la Cour de Cassation dans un arrêt du 6 juillet 2016 ( Cass 1ère civ 06/07/16 n°15-21643).
La Cour d’Appel avait considéré qu’une prime de 121.960 € versée Mme Z sur son contrat d’assurance vie était manifestement exagérée au motif qu’il existait, au moment du versement, un conflit aigu entre Mme Z et ses petits enfants, Mme Z cherchant, par le versement de la prime, à faire échapper cette somme à la succession et donc à la réserve héréditaire dont bénéficiaient ses petits enfants suite au décès de leur père.
L’arrêt de la cour d’appel est cassé au motif qu’en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, après avoir constaté que le versement présentait un intérêt pour la souscriptrice, alors agée de 71 ans, la Cour d’Appel n’a pas donné de base à sa décision.
Fréquents arrière-plans des litiges relatifs au caractère manifestement exagéré des primes, le conflit familial et l’intérêt des héritiers ne constituent donc pas pour autant des critères d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes.
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