Avant la loi du 25 juin 2008 mettant en place la rupture conventionnelle homologuée (ou autorisée pour les salariés protégés), l’employeur et le salarié pouvaient rompre le CDI d’un commun accord, en application du droit des contrats (art. 1134 du code civil), le contrat de travail étant expressément soumis aux règles de droit commun (art. L.1221-1 du code du travail).Ce que les parties par leur volonté étaient convenues, par leur volonté ces mêmes parties pouvaient s’en délier, et il n’était fixé aucun formalisme particulier, ni obligation d’entretien préalable, ni demande d’homologation (sauf le cas d’autorisation à l’inspection du travail pour un salarié protégé), ni indemnité spécifique de rupture (Cass. soc. 02/12/03 n°01/46176).
La loi n°2008-596 du 25 juin 2008 (art. 1237-11 et suivants du code du travail) a mis en place la rupture conventionnelle négociée, obligeant les parties souhaitant rompre amiablement le CDI, à respecter une procédure, des délais, des garanties, une demande d’homologation (ou d’autorisation) et une indemnité spécifique de rupture à verser au salarié, la jurisprudence se mettant à contrôler la régularité de la procédure, les vices du consentement, et à expliquer dans quelles situations la rupture conventionnelle homologuée était alors acceptable.
La question fut donc posée de savoir si cette loi de 2008 mettait un terme à la possibilité de recourir à la rupture d’un commun accord.
Des cours d’appel avaient donné leur position : la cour d’appel de Riom (12/06/12 n°11/00992) avait jugé que, exception faite de la rupture convenue dans le cadre d’une GPEC ou d’un PSE, toutes ruptures amiables devaient obéir aux dispositions prévues pour la rupture conventionnelle homologuée ; la cour d’appel de Toulouse (4è ch. – sect.1 – 24/01/13 n°11/03522) avait fait application des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail prévoyant que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre », la cour rappelant que les « dispositions du présent titre » sont uniquement celles prévues par les articles L.1231-1 et suivants du code du travail, dont l’article L.1237-11 relatif à la rupture conventionnelle encadrée par la loi (cf. dans le même sens, CA Dijon ch. soc. 05/05/11 n°10/00160 ; CA Dijon ch. soc. 30/06/11).
Dans un arrêt du 15 octobre 2014 (n°11/22251), la Cour de cassation confirma les positions tenues par ces cours d’appel, et particulièrement ici celle de la cour d’appel de Dijon (30/06/11), à savoir que la rupture d’un commun accord qualifiée rupture conventionnelle résulte d’une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir la liberté du consentement des parties, et que sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par l’article L.1237-11 relatif à la rupture conventionnelle.
En résumé, avec la loi de 2008 et avec cet arrêt de 2014, la rupture amiable du Code civil devait céder la place à la rupture conventionnelle homologuée (ou autorisée pour les salariés protégés), à son formalisme strict et à ses garanties.
Cependant, cette rupture conventionnelle homologuée (ou autorisée pour les salariés protégés) avec son formalisme strict, était-elle judicieuse pour des mutations de salariés dans un groupe d’entreprises ?
Dans cette affaire du 8 juin 2016, pour transférer le contrat travail d’une responsable administrative au sein d’une autre société d’un même groupe, une convention tripartite fut signée entre la salariée et les deux filiales, mettant fin d’une part au contrat de travail initial, et d’autre par mettant en place un nouveau contrat de travail avec le nouvel employeur avec reprise ancienneté sans période d’essai. Après son licenciement, la salariée contesta la validité de la rupture amiable du contrat initial, arguant que la rupture aurait dû respecter les dispositions légales de la rupture conventionnelle, et donc que sa rupture d’un commun accord s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel de Chambéry fit droit à sa demande.
Mais, pour la Cour de cassation, « les dispositions de l’article L.1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail. »
Ainsi, avec cet arrêt de 2016, aux cas de mutations intra-groupe, la Cour de cassation écarte le régime de la rupture conventionnelle, et sécurise ainsi les pratiques des conventions tripartites dans les groupes de sociétés pour la mobilité de leurs salariés.
Pas de contribution, soyez le premier