La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

 

Cour de cassation - Chambre civile 1

  • N° de pourvoi : 22-11.061
  • ECLI:FR:CCASS:2023:C100550
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation sans renvoi

Audience publique du mercredi 27 septembre 2023

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, du 26 octobre 2021

Président

Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat(s)

SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Foussard et Froger

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

KCIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation sans renvoi


Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 550 F-D

Pourvoi n° C 22-11.061




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

1°/ la société Record Crédits, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), anciennement dénommée Record Bank,

2°/ la société Centrale Kredietverlening (CKV), société anonyme de droit belge, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique), venant aux droits de la société Record Crédits, anciennement dénommée Record Bank,

ont formé le pourvoi n° C 22-11.061 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A - civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Gestinvest, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Crédit industriel et commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat des sociétés Record Crédits et Centrale Kredietverlening, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la SCI Gestinvest, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 octobre 2021), par acte notarié du 29 mars 2012, la société belge Record Bank, nouvellement dénommée Record Crédits, aux droits de laquelle vient la société Centrale Kredietverlening (la société CKV), a consenti un prêt à la société civile immobilière Gestinvest (la SCI).

2.Le 15 janvier 2015, à la suite d'impayés, les parties ont conclu un accord mettant en place un nouvel échéancier et prévoyant, en son article 2, une capitalisation des intérêts.

3. Le 17 novembre 2016, après avoir prononcé la déchéance du terme, le la banque a fait délivrer à la SCI un commandement valant saisie immobilière puis l'a assignée à une audience d'orientation.

4. Un jugement d'orientation du 14 décembre 2017 a fixé le montant de la créance et autorisé la SCI à vendre amiablement l'immeuble. Par jugement du 12 avril 2018, le juge de l'exécution, après avoir constaté qu'il n'était pas justifié de la réalisation de la vente amiable, a ordonné la vente forcée.

5. Sur l'appel du premier jugement et l'appel-nullité du second, un arrêt du 27 novembre 2018 a rejeté la demande d'annulation du commandement et déclaré l'appel-nullité irrecevable.

6. Le 1er mars 2019 a été dressé un acte de vente amiable de l'immeuble contenant un nouveau protocole transactionnel entre la SCI et les banques, en vertu duquel celles-ci ont donné mainlevée du commandement et se sont désistées de la procédure de saisie immobilière.

7. L'arrêt du 27 novembre 2018 a été partiellement cassé (1re Civ., 6 janvier 2021, n° 19-10.835) en ce qu'il rejetait la demande de nullité du commandement pour défaut d'exigibilité de la créance et a remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers.

8. Sur requête des banques, la Cour de cassation a rendu un arrêt de rabat partiel de l'arrêt rendu le 6 janvier 2021, maintenant son dispositif mais rejetant en outre la demande de non-lieu à statuer de la société CKV.

9. La SCI a saisi la cour d'appel de renvoi d'une demande d'annulation de l'article 2 du protocole d'accord du 15 janvier 2015 et de la procédure de saisie immobilière subséquente.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premiers moyens qui sont irrecevables, et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société Centrale Kredietverlening et la société Record Credits font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir liée à la violation de l'accord transactionnel du 1er mars 2019, d'infirmer le jugement du 14 décembre 2017 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient en toutes ses dispositions non atteintes par la cassation et d'annuler toute la procédure de saisie immobilière subséquente au commandement de payer, alors « que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice qui aurait le même objet ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la renonciation apparaît clairement à la lecture du protocole du 1er mars 2019 comme étant en lien avec la procédure de saisie immobilière ; que dès lors, en annulant toute la procédure de saisie immobilière subséquente au commandement de payer, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'en renonçant à engager toute procédure sur quelque fondement et pour quelque motifs qui seraient relatifs au principe et au montant de la créance de la société CKV, les parties avaient ainsi renoncé à toute action en lien avec la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 122 du Code de procédure civile, ensemble les articles 2048 et 2052 du Code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2052 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 :

12. Selon ce texte, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

13. Pour rejeter la fin de non recevoir tirée de l'existence d'une transaction ayant le même objet que l'action en cours, l'arrêt, après avoir constaté que la transaction prévoyait que les parties renonçaient expressément à engager toute procédure judiciaire sur quelque fondement et pour quelque motifs qui seraient relatifs au principe et au montant de la créance de la société CKV, retient que la renonciation apparaît clairement à la lecture du protocole du 1er mars 2019 comme étant en lien avec la procédure de saisie immobilière et non avec le pourvoi en cassation qui était alors en cours puisqu'aucun élément n'évoque ce pourvoi.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la renonciation dans la transaction était en lien avec la procédure de saisie immobilière, et donc les demandes formées devant elle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 18 à 19 que les demandes de la SCI sont irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement du 14 décembre 2017 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient en toutes ses dispositions non atteintes par la cassation ;

DECLARE les demandes de la SCI irrecevables ;

Condamne la SCI Gestinvest aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Gestinvest et la condamne à payer à la société Centrale Kredietverlening la somme de 3 000 euros au titre de la procédure suivie devant la Cour de cassation, et rejette la demande formée par elle et la condamne à payer à la société Centrale Kredietverlening la somme de 3 000 euros au titre de la procédure suivie devant la cour d'appel ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C100550

Publié par ALBERT CASTON à 10:58  

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