Obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 22-13.653
  • ECLI:FR:CCASS:2023:C300821
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation

Audience publique du jeudi 14 décembre 2023

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 07 janvier 2022

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Spinosi

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 821 F-D

Pourvoi n° V 22-13.653







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023

L'association syndicale libre des propriétaires du lotissement Les Sablons, dont le siège est [Adresse 6], représentée par son syndic la société Compagnie européenne de gestion immobilière et services (CEGIS), dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° V 22-13.653 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société EMA Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement Les Sablons à [Localité 7], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société EMA Invest, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2022), la parcelle cadastrée section ZA n° [Cadastre 3], appartenant à la société EMA Invest (la société) bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section ZA n° [Cadastre 4], appartenant à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement Les Sablons (l'ASL).

2. L'ASL a assigné la société en paiement des frais d'entretien et de conservation de la servitude.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'ASL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ; qu'en affirmant qu'il résulte des stipulations de l'acte d'établissement de la servitude litigieuse que le propriétaire du fonds assujetti avait seul la charge des ouvrages nécessaires pour user et conserver la servitude, quand cet acte se borne à stipuler que « la société d'aménagement foncier, acquéreur aux présentes, devant réaliser sur la parcelle cadastrée section ZA n° [Cadastre 4] une voie de desserte devant relier le lotissement d'activités des Sablons à la route départementale 212 concède sur ladite parcelle ZA n° [Cadastre 4] d'une contenance de 49 ares 79 centiares, qui sera le fonds servant, au profit de la parcelle section ZA n° [Cadastre 3] lieudit "[Localité 8]" pour une contenance de 2 hectares 04 ares 18 centiares qui sera le fonds dominant, appartenant [aux consorts [B]], à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage sur le fonds servant. Ce passage devant s'exercer plus particulièrement sur la voie que l'acquéreur envisage de réaliser comme indiqué ci-dessus, et telle qu'elle figure sur le plan qui demeurera ci-joint annexé après mention. L'accès à cette voie depuis la parcelle ZA n° [Cadastre 3] pouvant se faire tout le long de la partie Ouest de cette voie qui devra longer
cette parcelle au moins sur les trois quarts de la limite séparative. Le droit de passage ainsi concédé pourra être exercé par les consorts [B] et par suite à toute personne désirant se rendre sur la parcelle ZA n° [Cadastre 3] et éventuellement dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs, à pied et par tout véhicule de toute nature que ce soit. De même, les propriétaires successifs de la parcelle ZA n° [Cadastre 3] fonds dominant auront le droit de se raccorder à tous les réseaux pouvant exister dans ladite parcelle, étant observé que si les réseaux devaient se trouver sur la parcelle ZA n° [Cadastre 2], le droit de raccordement existera de la même manière. Les travaux de raccordement auxdits réseaux auront lieu aux frais du bénéficiaire de la servitude qui devra remettre les lieux en l'état », la cour d'appel a dénaturé l'acte du 1er juillet 1999, en violation de l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

4. Pour rejeter la demande de l'ASL, l'arrêt retient qu'il résulte du titre constitutif de servitude qu'il revient au propriétaire du fonds assujetti de supporter seul la charge des ouvrages nécessaires pour user et conserver la servitude.

5. En statuant ainsi, alors que le titre en cause, s'il mettait à la charge du propriétaire du fonds servant la création de la voie de desserte nécessaire à l'exercice du passage, ne comportait aucune stipulation relative aux frais d'entretien de l'assiette de la servitude, lesquels, selon l'article 698 du code civil, restent dès lors aux frais du propriétaire du fonds dominant, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société EMA Invest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société EMA Invest et la condamne à payer à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement Les Sablons à [Localité 7], représentée par son syndic la société CEGIS, la somme de 3 000 euros ;



Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300821

Publié par ALBERT CASTON à 09:25  

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