La régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si elle intervient dans le délai d'appel
Note S. Amrani-Mekki, Procédures 2023-12, p. 14
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-21.007
- ECLI:FR:CCASS:2023:C200970
- Publié au bulletin
- Solution : Annulation
Audience publique du jeudi 05 octobre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 10 juin 2021
Président
Mme Martinel
Avocat(s)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 Annulation Mme MARTINEL, présidente Arrêt n° 970 FS-B Pourvoi n° T 21-21.007 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 M. [R] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-21.007 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Stallergènes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [V], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Stallergènes, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, conseiller référendaire ayant voix délibérative, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-5 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2021), le 20 novembre 2018, M. [V] a relevé appel d'un jugement du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 7 septembre 2018, notifié le 22 octobre 2018, devant la cour d'appel de Paris. 2. Le 18 décembre 2018, M. [V] a relevé appel du même jugement devant la cour d'appel de Versailles territorialement compétente. 3. Par un arrêt du 11 octobre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 3 avril 2019 d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel irrecevable. 4. La société Stallergènes a soulevé, devant le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles, l'irrecevabilité de l'appel relevé le 18 décembre 2018. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. M. [V] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant jugé irrecevable son appel relevé devant la cour d'appel de Versailles le 18 décembre 2018, alors « que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente, qui interrompt le délai d'appel, est susceptible d'être régularisée tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable ; qu'en jugeant irrecevable l'appel régularisé par M. [V] devant la cour d'appel de Versailles territorialement compétente au motif que cet appel n'avait pas été formé dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement bien que, d'une part, l'appel initial formé dans le délai d'appel devant la cour d'appel de Paris territorialement incompétente avait interrompu celui-ci jusqu'à ce que le juge statue, et d'autre part, que M. [V] avait régularisé son appel avant que le juge statue, soit dans le délai d'appel, la cour d'appel a violé l'article 2241, alinéa 2, du code civil, ensemble l'article 126 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 6. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. 7. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d'appel interrompu par une première déclaration d'appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d'irrecevabilité n'est intervenue. 8. Seule cette interprétation est de nature à donner son plein effet à la faculté offerte à l'appelant de régulariser cette fin de non-recevoir en rendant effective l'interruption du délai d'appel résultant de l'application de l'article 2241 du code civil. 9. Jusqu'à cette décision, la Cour de cassation jugeait que l'interruption du délai d'appel était non avenue lorsque l'appel était définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir. Toutefois, cette solution aboutit à faire rétroagir une décision d'irrecevabilité rendue postérieurement au second appel formé devant la juridiction compétente. 10. Dès lors, il y a lieu de revenir sur la solution retenue par cette jurisprudence. 11. La cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel formé devant elle sur le fondement de la jurisprudence antérieure rappelée au § 9, dont le présent arrêt opère revirement. 12. En conséquence, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : ANNULE l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée. Condamne la société Stallergènes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C200970
Analyse
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Textes appliqués
Publié par ALBERT CASTON à 17:12
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Libellés : acte d'appel , acte interruptif , appel , incompétence , Procédure
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