Point de départ de la prescription des recours des constructeurs : précisions de la règle en cas de recours successifs
Lu dans la lettre de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation :
Point de départ de la prescription des recours des constructeurs : précisions de la règle en cas de recours successifs
3E CIV., 23 NOVEMBRE 2023, POURVOI N° 22-20.490, PUBLIÉ AU BULLETIN
En matière de construction, la multiplicité des intervenants donne lieu à des recours imbriqués ou en cascade, qui rendent complexe le dénouement des litiges.
La Cour de cassation avait jugé que la prescription des recours des constructeurs courait à compter de la première demande en justice de la victime des dommages, même s'il s'agissait d'une simple demande d'expertise.
Compte tenu des inconvénients de cette règle et de la multiplication des recours préventifs nuisant à une bonne administration de la justice, elle a modifié sa jurisprudence par un arrêt du 14 décembre 2022 : l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. Le plus souvent, il s'agira donc de déterminer à quelle date la victime du dommage a introduit sa demande de réparation pour fixer le point de départ de la prescription des recours des constructeurs ainsi recherchés.
Cependant, en cas de recours « en cascade », la date d'introduction de la demande de la victime ne constituera pas nécessairement le point de départ de la prescription de tous les recours successifs. En effet, si un constructeur est appelé en garantie par un autre sans avoir été lui-même assigné par la victime, on ne peut considérer que le délai qui lui est imparti pour former ses propres recours commence à courir dès l'assignation délivrée par la victime. C'est l'appel en garantie qui constituera, dans ce cas, le point de départ de la prescription, puisqu'avant cet appel en garantie, aucune demande n'est formée contre le garant pouvant justifier l'introduction d'un recours.
Mais, en ce qui concerne les constructeurs appelés dès l'origine par la victime des dommages, il n'y a pas lieu de distinguer, pour la détermination du point de départ de la prescription, selon que l'action a pour objet de se garantir contre les demandes principales ou contre les recours des autres responsables mis en cause. Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande, même lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime. C'est ce que juge la Cour de cassation par son arrêt du 23 novembre 2023 ici commenté.
Dans l'affaire à l'origine de cette décision, l'assureur d'un constructeur avait été assigné en 2019 par l'assureur d'un autre responsable aux fins de remboursement de sommes versées à la victime en exécution de condamnations prononcées par la juridiction administrative. Il avait alors assigné en garantie un autre constructeur en 2021. La demande pouvait être déclarée prescrite car cet assureur avait été recherché par la victime devant la juridiction administrative dès 2010. Tous les recours d'un constructeur auquel la victime demande réparation, qui tendent à mettre à la charge d'un tiers tout ou partie de la dette, doivent être exercés dans les cinq années qui suivent la demande de la victime.
La Cour de cassation continue d'interpréter les dispositions issues de la loi du 17 juin 2008 en recherchant un équilibre entre droit d'accès au juge, sécurité juridique et célérité de la justice. En matière de construction, les différents intervenants doivent pouvoir agir contre les autres responsables pour répartir la dette sans être contraints de le faire de manière préventive, mais le point de départ de la prescription des recours ne peut être reporté dès lors que le constructeur connaît les faits lui permettant d'exercer son droit.
Publié par ALBERT CASTON à 16:37
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Libellés : Prescription , recours en garantie
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