# saisie attribution # exécution provisoire # litige prud'homal # indemnités de licenciement

Dans un jugement inédit (RG 24/80803) du 29 août 2024, le JEX (Juge de l’exécution) du Tribunal judiciaire de Paris a considéré qu’en exécution d’un jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail d’une directrice, la société Eres devait payer à la salariée, l’exécution provisoire de droit de l’article R1454-14 du Code du travail (préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement) même si le contrat de travail de cette dernière n’avait pas été rompu du fait de l’appel interjeté par la société.

En conséquence, la demande de mainlevée de la société Eres de la saisie attribution effectuée par la salariée est rejetée par le JEX de Paris.

La juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

  • rejette la demande de mainlevée de la saisie-attribution,
  • rappelle que le tiers saisi paie le créancier sur présentation de la décision rejetant la contestation, après sa notification, conformément à l’article R211-13 du Code des procédures civiles d’exécution,
  • condamne la SAS ERES à payer à Mme X la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • rejette la demande de la SAS Eres formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • condamne la SAS Eres aux dépens,
  • rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre.

1.1) Sur la mainlevée de la saisie-attribution.

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution permet au créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Une décision de justice constitue un titre exécutoire susceptible d’exécution forcée dès lors qu’elle a force exécutoire selon l’article L111- 3 du même code, soit qu’elle est revêtue de la formule exécutoire, qu’elle a été notifiée ou signifiée et qu’elle n’est plus susceptible de recours suspensif d’exécution, sauf exécution provisoire, conformément aux articles 500 à 503 du Code de procédure civile.

L’article R1454-28 du Code du travail dispose que les décisions rendues par le conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire, sauf, notamment, le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

L’article R1454-14 2° vise :

  • les provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;
  • les provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;
  • l’indemnité compensatrice et de l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l’article L1226-14 ;
  • l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L1243-8 et de l’indemnité de fin de mission mentionnée à l’article L1251-32.

Il ressort de l’article R1454-28 du Code du travail que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes n’est pas assorti dans son intégralité de l’exécution provisoire, mais seulement certaines sommes dans la limite de 9 mois de salaire.

Toutefois, le jugement peut prévoir lui-même une exécution provisoire différente de celle prévue par les textes.

En l’espèce, par jugement du 10 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné la SAS Eres à payer à Mme X les sommes suivantes :

  • 31 998 euros à titre d’indemnité de préavis,
  • 3 199,80 euros au titre des congés payés afférents,
  • 3 111,11 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ; Rappelle qu’en vertu de l’article R1454-28 du Code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 10 666 euros.
  • 21 332 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • 64 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
  • 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Eres conteste la saisie-attribution pratiquée pour les seules condamnations correspondant à l’indemnité de préavis, des congés payés afférents et d’indemnité légale de licenciement, considérant que le contrat de travail de Mme X n’étant pas rompu, elle ne peut pas verser ces sommes qui ne sont dues qu’en fin de contrat.

Toutefois, la saisie-attribution a été pratiquée pour les seules condamnations au titre de l’indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité légale de licenciement, ce qui correspond à la fois à l’article R1454 2° b du Code du travail et au jugement.

En effet, le jugement rendu le 10 octobre 2023 a rappelé les sommes sur lesquelles l’exécution provisoire s’applique, à savoir l’indemnité de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité légale de licenciement.

Ce faisant, le jugement a exclu l’exécution provisoire sur les condamnations prononcées pour indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Dès lors, la SAS Eres est mal fondée à soutenir une distinction selon si le contrat de travail se poursuit ou non, distinction qui n’est pas prévue ni par la loi ni par le jugement.

Elle est encore mal fondée à opérer une comparaison avec l’impossibilité d’établir les documents de fin de contrat de travail lorsque le contrat de travail n’est pas rompu, qui constitue également une obligation assortie de l’exécution provisoire de droit : en effet, l’obligation de payer une somme d’argent ne peut pas relever d’une impossibilité d’exécution de sa part. En cas d’infirmation de ces chefs de condamnation, des restitutions devront être opérées.

Il n’y a donc pas lieu de distinguer selon si le contrat se poursuit ou non, les sommes réclamées dans la saisie-attribution sont assorties de l’exécution provisoire de droit, à la fois par leur nature puisqu’elles sont prévues par l’article R1454-14 2° b) du Code du travail, et dans leur montant puisqu’elles sont inférieures à 9 mois de salaire.

La saisie-attribution est donc justifiée et la demande de mainlevée sera rejetée.

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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