Par principe, les communes ne peuvent prendre de participation au capital d'une société commerciale. Le législateur a prévu une dérogation spécifique, autorisant les prises de participation "au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables ou d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone" (Code général des collectivités territoriales, article L2253-1).

Pour autant, la disposition ne tranche pas la question des compétences. La commune peut-elle intervenir, le cas échéant au titre de sa clause générale de compétence, alors que la compétence énergie renouvelable est exercée à l'échelon intercommunal ? 

Jusqu'à récemment, plusieurs indices conduisaient à écarter cette possibilité, ou a tout le moins à la considérer comme très incertaine :

  • La jurispruence est stabilisée de longue date et prévoit qu'en cas de délégation de compétence à un syndicat mixte, la commune ne peut plus exercer la compétence déléguée (Conseil d'Etat, ASSEMBLEE, du 16 octobre 1970, n°71536 ; Conseil d'Etat, 14 janvier 1998, n°161661) ;
  • La jurisprudence prévoit également, s'agissant des sociétés d'économie mixte, "si une commune membre d'un syndicat communautaire d'aménagement d'une agglomération nouvelle entend créer une société d'économie mixte locale, l'objet de cette société doit s'inscrire dans le cadre des compétences qui restent dévolues à ladite commune, et que, dans l'hypothèse où cet objet concernerait des compétences transférées au syndicat communautaire la commune se trouve alors dans l'obligation d'associer ce syndicat à l'institution et à la gestion de la société d'économie mixte ainsi créée" (Tribunal administratif de Versailles, du 12 octobre 1993, aux tables), laissant présager d'une priorité de l'échelon intercommunal lorsqu'il est compétent, avec éventuellement une participation communale en soutien ;
  • La doctrine de l'administration cite un principe d'exclusivité, excluant toute prise de participation de la commune en cas de compétence transférée à l'échelon intercommunal : " la participation de la commune au capital de la société n'est possible que dans la mesure où elle n'a pas transféré la compétence en matière de production d'énergie renouvelable à un EPCI, auquel cas seul ce dernier est habilité à prendre des participations en application du principe d'exclusivité" (Sénat, Question écrite n°10165 - 15e législature, réponse publiée dans le JO Sénat du 17/09/2020 - page 4279). 

Dans un récent arrêt, la Cour administrative d'appel de Nantes estime que l'article 2253-1 susvisé vaut habilitation des communes et des groupements intercommunaux, qui peuvent donc intervenir concurremment :

"4. D'une part, il ressort des termes de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales que ce dernier, qui pose des conditions de manière limitative et exclusive, n'a pas entendu imposer que seules les collectivités ayant la compétence en matière d'énergies renouvelables en vertu de l'article L. 2224-32 du même code puissent participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables. Ainsi, la circonstance que la compétence prévue à l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales aurait été transférée par la commune de Congrier au syndicat mixte est sans influence sur la légalité de la délibération du 6 mai 2021. 5. D'autre part, les dispositions de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales définissent des modalités d'intervention dans le champ économique et permettent l'intervention des communes et de leurs groupements. Ainsi, les dispositions de l'article 4 des statuts du syndicat mixte " Territoire d'énergie Mayenne ", qui ne font que rappeler les règles posées à l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales, ne peuvent être regardées comme un transfert de compétence de la commune au syndicat mixte." (CAA de Nantes, 19 avril 2024, n°23NT01257)

Il est intéressant de noter que la Cour a pris soin de fonder son appréciation sur cette interprétation des texte, mais également sur les circonstances de l'espèce, en estimant que l'objet du syndicat mixte défini par ses statuts ne s'interprétait pas, en l'espèce, comme un transfert de compétence. 

Pourtant, dans une autre affaire, le Tribunal Administratif de Rennes a pris une position exactement inverse, estimant que la communauté de commune était substituée de plein droit aux communes membres en matière d'énergie renouvelable, avec un transfert volontaire et intégral, et que les textes ne permettent aucunement l'exercice d'une compétence partagée autorisant la prise de participation :

"4. Il ressort des pièces du dossier que les communes membres de la communauté de communes du Pays d'Iroise ont transféré à cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ainsi qu'il résulte de l'arrêté préfectoral du 26 août 2022 portant modification de statuts, une compétence exclusive en matière de transition écologique et énergétique et plus particulièrement celle consistant à " soutenir et financer des actions de maîtrise de la demande d'énergie et de production d'énergies renouvelables " et à " aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter, participer et/ou soutenir toute installation de production d'énergies renouvelables seul ou avec d'autres partenaires, publics ou privés. ". Ainsi, à compter du 1er septembre 2022, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales, la communauté de communes du Pays d'Iroise était substituée de plein droit aux communes qui en sont membres dans toutes leurs délibérations et actes relatifs à cette compétence en matière de production d'énergies renouvelables. Dans ces conditions, la délibération du 6 septembre 2022 du conseil municipal de la commune de Plourin qui prévoit la participation au capital de la SAS Tredan Heol de Plourin, dont l'objet social consiste en la réalisation, la maintenance et l'exploitation de centrales photovoltaïques au sol, sur toiture ou en ombrière, situées sur le territoire communal, est intervenue dans une matière dont la commune avait décidé de se dessaisir. La commune de Plourin ne saurait ainsi utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales permettent l'exercice d'une compétence partagée des communes et des EPCI s'agissant de la participation au capital d'une société de production d'énergie renouvelable, compte tenu du transfert volontaire et intégral de cette compétence à la communauté de communes du Pays d'Iroise. 5. Il résulte de ce qui précède que la délibération du 6 septembre 2022 du conseil municipal de la commune de Plourin doit être annulée." (Tribunal Administratif de Rennes, 25 janvier 2024, n°2300530).

Il est frappant de constater qu'outre la divergence d'interprétation des textes, le Tribunal a également motivé son jugement en rappelant qu'un transfert de compétence était intervenu, ce qui semble plus discutable dans l'affaire jugée par la Cour administrative d'appel de Nantes. Dans l'affaire jugée par la Cour, il s'agissait d'un transfert par constitution d'un syndicat mixte, alors que dans l'affaire jugée par le Tribunal Administratif de Rennes, il était question d'un EPCI ayant la coméptence énergie renouvelable avec substitution de plein droit par l'effet de la loi.

En l'état, les communes doivent donc veiller à cette incertitude pour sécuriser leurs prises de participation dans les sociétés portant des projets d'énergie renouvelable. Outre l'incertitude sur l'interprétation des textes, une analyse au cas par cas est nécessaire pour déterminer si la compétence a été transférée ou non effectivement, ce qui implique une lecture attentive des statuts du syndicat mixte ou de l'EPCI considéré et des délibérations intervenues

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la sécurisation des projets d'énergie renouvelable portés par les collectivités territoriales et leurs partenaires ;
  • Dans la revue des statuts, pactes et délibérations les approuvants, notamment au regard des problématiques de compétences ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de prises de participation déjà actées ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, y compris sur déféré préfectoral, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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