Dans une arrêt du 4 novembre 2020 (Cass. Com., 4 nov. 2020, n° 16-28.281, publié au Bulletin), la Cour de cassation, après avoir interrogé la Cour de Justice de l’Union Européenne, a estimé que « la déchéance d'une marque, prononcée en application du Code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de 5 ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance ».

En l’espèce, une marque verbale « Saint Germain », portant sur des boissons alcoolisés avait été déposée en décembre 2005.

Le titulaire de celle-ci, avait assigné en juin 2012, les sociétés Cooper International Spirits, Établissements Gabriel Boudier et St Dalfour en contrefaçon pour avoir distribué une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain ».

Dans le cadre d’une autre instance, en février 2014, le titulaire de la marque a été déchu de ses droits sur ladite marque à compter du mois de mai 2011.

Malgré cette déchéance, il a maintenu ses demandes contre les trois sociétés pour la période antérieure à celle-ci, soit de juin 2009 au mai 2011.

Les juges de première instance, ainsi que ceux de la cour d’appel avaient rejeté ses demandes, en retenant que celui-ci ne justifiait d'aucune exploitation de la marque depuis son dépôt, en déduisant que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, son titulaire ne pouvait arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conférée par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement.

Cette décision a été cassée par la Cour de cassation qui, après avoir sollicité l’avis de la CJUE, a estimé qu’un usage effectif de la marque doit être démontré par le titulaire de ladite marque uniquement après sa déchéance, à savoir, après l’expiration du délai de protection, qui est de de 5 ans à compter de l’enregistrement de la marque.

Étant précisé que la CJUE, dans sa réponse à la question préjudicielle de la Cour de cassation, avait laissé la liberté d’appréciation des dispositions européennes en la matière, aux États membres.

Attention : si le titulaire d’une marque qui initie une action en contrefaçon de celle-ci, dans le délai de 5 ans à compter de l’enregistrement de son droit, n'est pas tenu de prouver l’utilisation effective de la marque, il en est autrement passé ce délai de protection.

En effet, passé 5 ans à compter de l’enregistrement, son titulaire qui souhaite faire usage de l’action en contrefaçon devra prouver, outre un risque de confusion possible dans l’esprit du consommateur visé par les produits et services, l’usage effectif de la marque qu’il en fait depuis la fin du délai de protection.

Mercredi 25 novembre 2020