Par un arrêt en date du 25 novembre 2020 (Cass. Crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955 à paraître au Bulletin), la Cour de cassation a opéré un important revirement jurisprudentiel en admettant que désormais, en cas d’une opération de fusion-absorption d’une société par une autre, la société absorbante pourra être poursuivie et condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération.

La Cour de cassation s’est notamment fondée sur la directive européenne relative à la fusion des sociétés anonymes.

Il s’agit d’une décision majeure, par laquelle la Cour de cassation accepte de revenir sur sa jurisprudence interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération d’absorption.

La Cour de cassation justifiait cette position, d’une part par la perte de l’existence juridique de la société absorbée du fait de l’absorption et par conséquence de l’extinction de l’action publique à son égard et d’autre part, par l’absence du transfert de sa responsabilité pénale à la société absorbante eu égard au principe fondamental selon lequel on ne peut être responsable que de son propre fait.

Or, cette solution était contraire à la jurisprudence de la CJUE qui  avait adopté une position contraire, en affirmant qu'une fusion-absorption, entrainait la transmission à la société absorbante de l'obligation de payer une amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions commises par la société absorbée avant cette fusion.

De surcroît, l’ancienne solution de la Cour de cassation pouvait produire une fâcheuse conséquence en ce qu'elle permettait indirectement à une société poursuivie d'échapper à sa responsabilité pénale par l'effet d'une absorption frauduleuse par une autre société.

Dans ces conditions, le revirement opéré par la Cour de cassation dans l’arrêt cité du 25 novembre 2020, est donc à saluer.

Désormais, « le juge qui constatera qu’il a été procédé à une opération de fusion absorption, entrant dans le champ de la directive précitée, ayant entraîné la dissolution de la société mise en cause, peut, après avoir constaté que les faits objet des poursuites sont caractérisés, déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d’amende ou de confiscation.

En tout état de cause, quelle que soit la date de la fusion ou la nature de la société concernée, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée si l’opération de fusion absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu’elle constitue ainsi une fraude à la loi ».

Attention : cette interprétation nouvelle, ne s’appliquera qu’aux opérations de fusion conclues postérieurement au 25 novembre 2020, date de prononcé de l’arrêt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique.

Lundi 30 novembre 2020