Certaines catégories de personnes sont interdites de profiter des dispositions à titre gratuit par donation entre vifs ou par testament, faites en leur faveur par les personnes dont ils auraient la charge eu égard à leur âge, état de santé, dépendance, etc.

Il s’agit notamment :

  • des membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que des auxiliaires médicaux qui leur ont prodigué des soins pendant la maladie dont elles sont mortes - article 909 du Code civil ;
  • des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions - article 909 du Code civil ;
  • des membres d’un ministre du culte - article 909 du Code civil ;
  • des personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs, employés, bénévoles ou volontaires d’un établissement pour retraités ou d’un service d’aide à la personne* - article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles ;
  • de couple ou de l’accueillant familial (ainsi que son conjoint, la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité, son concubin, ses ascendants, ses descendants en ligne directe ou ses salariés) - article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles.

Pourtant, dans le passé, la Cour de cassation a estimé qu' une aide-ménagère n'était pas frappée d'une incapacité de recevoir à titre gratuit.

Cette jurisprudence a aujourd’hui perdu sa portée, eu égard aux interdictions prévues par l’article L.116-4 du CASF susmentionné.

Cette nouvelle législation a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC ci-après), posée à la Cour de cassation en ces termes : l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles [ayant pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens, hors tout constat d’inaptitude du disposant], méconnaît-il les droits et libertés garantis par les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ?

Par un arrêt en date du 18 décembre 2020 (Cass. Civ 1re, 18 déc., 2020, n° 20-40.060), Cour de cassation a transmis cette QPC au Conseil constitutionnel, qui aura la charge de se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L.116-4 du CASF.

En l’espèce, Madame X est décédée sans laisser d’héritier réservataire.

Dans un testament olographe, elle avait désigné ses cousins, légataires universels et Madame Y - son employée de maison -, légataire à titre particulier d’un appartement et de son contenu.

Les cousins de la défunte ont assigné Madame Y en nullité du legs. Au cours de cette procédure, cette dernière a posé la QPC supra, que le Tribunal judiciaire de Toulouse a transmis à la Cour de cassation (cette dernière faisant office de « filtre » avant une transmission éventuelle au Conseil constitutionnel).

Aller plus loin : Le droit de propriété, ainsi que celui d’en disposer librement, sont  protégés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (DDHC ci-après), elle-même intégrée dans notre Constitution - la norme supérieure du droit français.

En effet, les lois, les règlements et même les conventions internationales, doivent être conformes à la Constitution afin d’être promulgués ou transposées en droit français.

Or, les dispositions de l’article L.116-4 du CASF, ont pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens, hors tout constat d’inaptitude du disposant.

Si le Conseil constitutionnel estime que lesdites dispositions sont effectivement contraires à la Constitution (et notamment aux articles 2, 4 et 17 de la DDHC), celles-ci devront être abrogées.

Toutefois, il n’est pas non plus impossible que celui-ci estime que les dispositions susmentionnées visant à atteindre un objectif légitime - la protection des personnes âgées ou dépendantes  des risques de captation -, elles ne seraient pas contraires à la Constitution.

A suivre …

 

*Par exemple : la garde d’enfants ; l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ; les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales

 

Dimanche 27 décembre 2020