Motifs insuffisants à établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 24-11.128
- ECLI:FR:CCASS:2025:C201103
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 06 novembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 21 novembre 2023
Président
Mme Martinel (présidente)
Avocat(s)
SARL Delvolvé et Trichet, SCP Boutet et Hourdeaux
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
EO1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 6 novembre 2025
Cassation
Mme MARTINEL, présidente
Arrêt n° 1103 F-D
Pourvoi n° S 24-11.128
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025
M. [K] [M], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], a formé le pourvoi n° S 24-11.128 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [M], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 novembre 2023), M. [M] (l'assuré), qui avait souscrit, le 9 septembre 2008, auprès de la société Gan assurances (l'assureur) un contrat d'assurance multirisques pour garantir un immeuble bâti situé à [Localité 4] (Puy-de-Dôme), a déclaré, par lettre du 24 septembre 2019, un sinistre au titre de la garantie catastrophes naturelles.
2. La commune a été l'objet de deux arrêtés de catastrophe naturelle, publiés les 19 décembre 2019 et 29 avril 2020, en raison de mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenues respectivement au cours de la période du 1er juillet au 30 septembre 2018 et du 1er janvier au 31 décembre 2019.
3. Se fondant sur les conclusions d'un rapport d'expertise amiable établi le 7 août 2020, par lettre du 3 septembre 2020, l'assureur a informé l'assuré qu'il refusait de garantir les dommages affectant l'immeuble.
4. Le 17 octobre 2022, l'assuré a assigné l'assureur devant un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à fin d'expertise.
5. Le juge des référés, constatant la prescription de toute action au fond, a rejeté la demande.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. L'assuré fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dans l'instance l'opposant à l'assureur et, y ajoutant, de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en se bornant à affirmer que les dispositions générales du contrat d'assurance « rappelle [nt] ensuite les causes ordinaires d'interruption de la prescription en matière de demande de mobilisation de garantie telles qu'énoncées à l'article L. 114-2 du code des assurances et s'appliquant notamment à une demande en justice (même en référé), à un acte d'exécution forcée ou à la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre », sans rechercher s'il était mentionné au titre des causes ordinaires d'interruption, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (art. 2240 c. civ), ce qui était expressément invoqué dans les conclusions d'appel, et la prise d'une mesure conservatoire en application du code des procédures civiles d'exécution (art. 2244 c. civ), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances :
7. Aux termes du second de ces textes, les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
8. Selon le premier, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre.
9. Pour confirmer l'ordonnance qui, après avoir constaté la prescription de toute action au fond, a rejeté la demande d'expertise judiciaire, l'arrêt retient qu'aux termes de l'avenant souscrit le 5 septembre 2011, sur lequel l'assuré a apposé sa signature, il reconnaît avoir reçu un exemplaire du cahier des dispositions générales dont l'article 41 reproduit l'intégralité des dispositions de l'article L. 114-1, alinéa 1er, du code des assurances.
10. Il ajoute que ce document rappelle les causes ordinaires d'interruption de la prescription en matière de demande de mobilisation de la garantie telles qu'énoncées à l'article L. 114-2 du code des assurances et s'appliquant notamment à une demande en justice même en référé, à un acte d'exécution forcée ou à la désignation d'un expert à la suite du sinistre.
11. Il énonce, enfin, qu'il n'est pas établi que l'exemplaire des conditions générales alors remis au souscripteur n'aurait pas contenu les dispositions précitées des articles L. 114-1 et L. 114-2 accompagnées de leurs références précises.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance, ce que l'assuré contestait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Gan assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201103
Publié par ALBERT CASTON à 16:27
Envoyer par e-mail BlogThis! Partager sur X Partager sur Facebook Partager sur Pinterest
Libellés : assurances , interruption , motifs , police , Prescription

Pas de contribution, soyez le premier