Par principe, les décisions rendues par l'administration sont exécutoires et les recours contentieux devant le juge administratif ne sont pas suspensifs. Alors, il peut être tentant, pour gagner du temps, de former une requête en référé suspension devant le juge administratif afin d'obtenir la suspension de la décision attaquée au fond dans l'attente du jugement à intervenir. Il faut tout de même savoir que la procédure du référé suspension est très encadrée et que les « chances de succès » sont très minces. Alors, faut-il se lancer dans une telle aventure pour un résultat somme toute très aléatoire ? Je vous laisse le soins de vous forger votre opinion en parcourant les quelques lignes qui suivent. L'article L.521-1 du Code de justice administrative dispose : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
A) - Procédure : trois conditions cumulatives sont donc requises pour que le juge puisse ordonner la suspension d'une décision administrative :
- 1ère condition : la décision administrative doit « faire l'objet d'une requête en annulation ou en réformation ». Le référé suspension peut être dirigé contre toute décision administrative, même de rejet (Conseil d' Etat, 20 décembre 2000, M.Ouatah), qu'elle soit implicite ou explicite, à l'exclusion d'une décision entièrement exécutée (Conseil d' Etat, 2 juillet 2003, M. Lefebvre). Le référé suspension est une procédure accessoire dont la recevabilité est conditionnée par l'introduction d'un recours au fond, qui doit avoir été présenté antérieurement ou concomitamment. A peine d'irrecevabilité, la demande de suspension doit faire l'objet d'une « requête distincte » du recours principal (article R.522-1 du Code de justice administrative). « La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit contenir l'exposé au moins sommaire des faits et moyens et justifier de l'urgence de l'affaire. A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière. »
- 2ème condition : l'urgence doit justifier la demande de suspension : le possible rejet sans instruction lors de la procédure de tri. En l'absence d'urgence, la décision peut être rejetée sans instruction, au titre de la procédure de tri (article L.522-3 du Code de justice administrative). « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. » Selon le Conseil d'État, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite « lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre » (Conseil d'Etat, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres). Il appartient au juge des référés de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence, à peine de censure (Conseil d' Etat, 28 février 2001, Sté Sud-est Assainissement).
-3ème condition : il doit, en outre, être fait état d'un « moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Ainsi, le juge des référés peut suspendre en l'état d'un simple doute sérieux sur la légalité. On retrouve ici les moyen de légalité externes et internes soulevés au fond dans la requête introductive d'instance.
B) - Voies de recours : les ordonnances rendues au titre du référé suspension sont rendues en dernier ressort et ne peuvent être contestées que par la voie du recours en cassation (avocat aux conseils obligatoire), présenté dans les quinze jours de leur notification (article L.523-1 alinéa 1 du Code de justice administrative) : « Les décisions rendues en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-3 sont rendues en dernier ressort. Les décisions rendues en application de l'article L. 521-2 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans les quinze jours de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures et exerce le cas échéant les pouvoirs prévus à l'article L. 521-4. »
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