Les incidents survenus lors de l’audience criminelle dans l’affaire impliquant Madame Sylvia Bongo et Monsieur Nouredine Bongo ont mis en lumière une faiblesse structurelle dans la chaîne de transmission des pièces pénales.
Au-delà de ce cas particulier, ces dysfonctionnements révèlent une vulnérabilité systémique qui menace le respect des principes fondamentaux du procès équitable.
Le droit à un procès équitable et le respect du contradictoire sont des principes cardinaux du Code de procédure pénale gabonais qui commandent que les avocats aient accès au dossier pénal à tous les stades de la procédure aussi bien en instruction, en audience criminelle qu’en audience correctionnelle.
Or, la pratique actuelle montre que cette exigence est loin d’être garantie, générant des entraves aux droits de la défense.
Le Code de procédure pénale gabonais, encadre cette communication de dossier pénal à l’article 120. Il prévoit que :
« Le Procureur de la République est tenu de mettre la procédure à la disposition de l’avocat de l’inculpé vingt-quatre heures au moins avant l’interrogatoire de ce dernier ou l’audition de la partie civile. […] Si l’avocat ne réside pas au siège de la juridiction d’instruction, le magistrat instructeur est tenu de lui communiquer une copie de la procédure par l’intermédiaire du Procureur de la République ou du Procureur Général, si l’avocat en fait la demande, mais aux frais avancés par l’avocat. »
Deux failles majeures découlent de cette disposition :
D’abord l’absence de formalisme probatoire quant au mode de transmission. En effet, la loi ne prévoit aucun mécanisme garantissant la preuve de réception du dossier pénal par l’avocat. Cela ouvre la voie à des contestations, pertes de documents ou retards préjudiciables aux droits de la défense.
Ensuite une charge financière est imposée à l’avocat, particulièrement problématique pour les dossiers volumineux, ce qui peut créer des inégalités d’accès à l’information pénale.
Pour remédier à ces insuffisances et aligner la procédure pénale gabonaise sur les standards contemporains du procès équitable, il apparaît indispensable d’introduire dans le droit positif des modalités modernes et sécurisées de communication du dossier.
Une réforme pertinente consisterait à instaurer une plateforme nationale de communication électronique sécurisée, réservée aux magistrats et avocats.
Cette solution présenterait plusieurs avantages.
- Authentification certaine de l’expéditeur et du destinataire, grâce à l’utilisation de certificats électroniques.
- Preuve automatique de la transmission et de la réception, mettant fin aux contestations et aux incertitudes procédurales.
- Dématérialisation complète des copies du dossier, permettant une communication rapide, chiffrée et traçable, quel que soit le stade de la procédure : instruction, audience correctionnelle ou criminelle.
-Suppression du coût de reproduction physique, réduisant les obstacles financiers au droit à la défense.
La modernisation de la communication du dossier pénal n’est donc pas un simple ajustement technique. Elle constitue une garantie essentielle du respect des droits fondamentaux et un levier crucial pour renforcer la crédibilité et l’efficacité de la justice pénale gabonaise.
Par Me Elodie Mabika Sauze

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