NON : l’administration ne saurait invoquer une faute personnelle même lourde du fonctionnaire pour s’exonérer de sa « responsabilité » la réparation ayant un caractère automatique pour tout accident de  service dans les mêmes conditions que pour les salariés du secteur privé soumis au code de travail et au code de la sécurité sociale. La faute personnelle se définit comme la faute matériellement ou intellectuellement, compte tenu de sa gravité ou des motivations de son auteur, détachable du service, qu’elle ait été commise par l’agent en dehors ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

1 – La faute personnelle même lourde du fonctionnaire ne lui fait pas perdre le bénéfice de la reconnaissance de l’accident de service.

Dans un arrêt en date du 3 mai 1995, le Conseil d’Etat a considéré qu’ « A supposer même que cet accident soit imputable à la faute qu'aurait constitué le fait d'utiliser à l'insu de la directrice de l'école une gazinière plutôt que la cafetière prévue à cet effet, cet accident doit être regardé comme un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. »

Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 3 mai 1995, 110503, mentionné aux tables du recueil Lebon :

« Instituteurs victimes d'un accident pendant la durée de leur service, à l'heure de la pause réglementaire pendant laquelle le personnel enseignant non affecté a la surveillance des élèves a la possibilité de se restaurer. A supposer même que cet accident soit imputable à la faute qu'aurait constitué le fait d'utiliser à l'insu de la directrice de l'école une gazinière plutôt que la cafetière prévue à cet effet, cet accident doit être regardé comme un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. »

Voir également à propos d’un fonctionnaire ayant commis une infraction au code de la route punie d’une amende, ces faits n’ont pas été de nature à le priver du bénéfice de son indemnisation. 

Conseil d’Etat, section, 27 novembre 1959, Ministre des affaires économiques et financières c/ M. Thrivaudey, Rec. 638

Ainsi, l’accident ne doit pas être imputable uniquement à une faute personnelle de l’intéressé détachable du service et sans lien direct avec la fonction.

La jurisprudence administrative reconnaît depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 février 1911, Anguet, qu’il peut y avoir pour un même dommage, plusieurs faits consécutifs ou concomitants engageant la faute de l’administration et la faute personnelle de plusieurs agents.

 Ainsi, un dysfonctionnement du service peut avoir contribué ou favoriser ou permis la commission de la faute personnelle du fonctionnaire (mauvaise organisation, pendule qui avance, fermeture avant l’heure règlementaire, ressaut malencontreux non signalé …). 

Conseil d'Etat, du 3 février 1911, 34922, publié au recueil Lebon

« (…) L'Etat est-il responsable du préjudice causé à un particulier, qui, après avoir terminé ses opérations dans un bureau de poste, a effectué sa sortie, sur l'indication d'un employé, par la porte du bureau affectée aux agents du service et d'où il a été expulsé brutalement dans la rue par ces agents et s'est cassé la jambe en tombant sur le trottoir ? - Rés. aff.. Cette responsabilité existe-t-elle encore bien que les agents auteurs de l'expulsion, poursuivis devant le tribunal correctionnel, auraient été condamnés pour violence et voies de fait ? - Rappr. Lafaix, 1897-05-07, Recueil p. 551. Rappr. Arnault-Guibourgé, 1906-01-26, Recueil p. 71(…) »      

2- Le Conseil d’Etat a établi une véritable présomption d’imputabilité des accidents survenus « pendant les heures de service et sur les lieux de travail ». 

Dans un arrêt en date du 13 juin 1997, le Conseil d’Etat a finalement considéré que tout accident survenu « pendant les heures de service et sur les lieux de travail de l'intéressée » devait être présumé imputable au service.

Conseil d'Etat, 3 SS, du 13 juin 1997, 122902, inédit au recueil Lebon

« (…) Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., infirmière à l'hôpital de Sainte-Marguerite de l'assistance publique à Marseille, a ressenti le 29 août 1984, une vive douleur lombaire alors qu'elle faisait le lit d'un malade ; qu'il n'est pas contesté que cet accident a eu lieu pendant les heures de service et sur les lieux de travail de l'intéressée ; que, par suite, et alors même que Mme X... présentait une affection arthrosique latente modérée qui ne s'est révélée qu'à l'occasion de cet accident, celui-ci a le caractère d'un accident de service ; que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 19 août 1987 refusant de reconnaître le caractère d'accident de service à l'accident dont Mme X... à été victime ; (…) » 

En cas d’accident survenant sur le lieu et durant les heures de travail, l’administration ne peut plus désormais refuser l’imputabilité au service qu’en établissant la preuve qu’une faute personnelle de l’agent est seule à l’origine de l’accident. 

3 – La faute personnelle intentionnelle ou grave du fonctionnaire peut seulement exonérer l'administration de son obligation de prendre en charge les conséquences dommageables de l’accident de service survenu.

Voir en ce sens :

Conseil d'Etat, 3ème sous-section jugeant seule, du 23 mai 2003, 246162, inédit au recueil Lebon

« Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que M. Didier Martin, engagé le 2 février 1993, est décédé le 31 mai 1994 des suites de l'accident survenu le 15 mai 1994 à 21h40 alors qu'il conduisait sur la route départementale n° 181, entre Malancourt et Rombas ; que la cour régionale des pensions n'a pas dénaturé le dossier en constatant souverainement d'une part, que l'intéressé ne se trouvait alors ni sur le trajet direct reliant Knutange à Phalsbourg, ni dans le temps normal du trajet nécessaire pour rejoindre la caserne de Phalsbourg le lendemain matin à 8h, à l'issue d'une permission de 5 jours à son domicile de Knutange et d'autre part, qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique, caractérisé par 1,39 gramme d'alcool dans le sang, qui était la cause directe de l'accident ; que c'est par suite sans erreur de droit que la cour, dont la composition était régulière, a jugé que l'accident était dû à une faute personnelle de la victime et rejeté pour ce motif la demande de pension présentée par sa mère ; qu'ainsi la requête de Mme doit être rejetée ; »