NON : en résumé, un conducteur peut-il conserver à son crédit les points rétablis par le juge sur son ancien permis du fait de l’annulation censurée de la décision administrative pour compenser les points perdus sur le nouveau permis obtenu postérieurement à l’invalidation ?  Dans un arrêt en date du 22 juillet 2016, le Conseil d’Etat a annulé un jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 avril 2012, qui a annulé la décision du 27 août 2010 et enjoint au ministre de restituer son permis de conduire à M. B...en lui reconnaissant le bénéfice des points illégalement retirés à l'occasion d'infractions commises les 7 juillet 2003 et 18 avril 2006. Le Conseil d’Etat rappelle dans son arrêt qu’une même personne ne saurait disposer de plus d'un permis de conduire.

M. A...B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 23 août 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et d'enjoindre au ministre de lui restituer cinq points.

Par un jugement n° 1302727 du 14 mai 2014, le tribunal administratif a annulé la décision attaquée et enjoint au ministre de l'intérieur de déterminer de nouveau le capital de points du permis litigieux.

Le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. B... pour solde de points nul par une décision du 27 août 2010.

M. B...a obtenu le 7 juillet 2011 un nouveau permis de conduire, revêtant un caractère probatoire et affecté d'un capital de six points conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route.

Par un jugement du 19 avril 2012, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 27 août 2010 et enjoint au ministre de restituer son permis de conduire à M. B... en lui reconnaissant le bénéfice des points illégalement retirés à l'occasion d'infractions commises les 7 juillet 2003 et 18 avril 2006.

Toutefois, l'intéressé n'ayant pas donné suite à une demande de l'administration tendant à ce qu'il restitue son nouveau permis, le ministre de l'intérieur a regardé ce permis comme seul valable et a opéré sur ce permis les retraits de points consécutifs aux infractions commises par son titulaire après le 7 juillet 2011.

Par une décision du 23 août 2013, le ministre a constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul et informé l'intéressé qu'il avait perdu le droit de conduire.

M. B... a déféré cette décision au tribunal administratif de Dijon, qui en a prononcé l'annulation par un jugement du 14 mai 2014 en retenant que, pour déterminer le capital de points de l'intéressé, il appartenait à l'administration d'additionner les points qui devaient être restitués à M. B... en exécution du jugement du 19 avril 2012 aux points de son permis probatoire, dans la limite du montant maximal de douze points. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Aux termes de l'article L.223-1 du code de la route : « Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue./ (...)/ Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. / (...) »

Aux termes de l'article L.223-5 du même code : « - En cas de retrait de la totalité des points, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence et perd le droit de conduire un véhicule. / II.- Il ne peut obtenir un nouveau permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de remise de son permis au préfet et sous réserve d'être reconnu apte après un examen ou une analyse médical, clinique, biologique et psychotechnique effectué à ses frais. Ce délai est porté à un an lorsqu'un nouveau retrait de la totalité des points intervient dans un délai de cinq ans suivant le précédent ».

Lorsque la décision du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul est annulée par le juge administratif, cette décision est réputée n'être jamais intervenue.

Pour déterminer si l'intéressé peut, en exécution du jugement, prétendre à la restitution du permis par l'administration, il y a lieu de vérifier que son solde de points n'est pas nul. Le solde doit être calculé en tenant compte, en premier lieu, des retraits de points sur lesquels reposait la décision annulée qui n'ont pas été regardés comme illégaux par le juge, en second lieu, des retraits justifiés par des infractions qui n'avaient pas été prises en compte par cette décision, y compris celles que l'intéressé a pu commettre en conduisant avec un nouveau permis obtenu dans les conditions prévues au II de l'article L.223-5  du code de la route, et, enfin, des reconstitutions de points prévues par les dispositions applicables au permis illégalement retiré.

Une même personne ne saurait disposer de plus d'un permis de conduire.

Par suite, le requérant qui obtient l'annulation d'une décision constatant la perte de validité de son permis alors qu'il s'est vu délivrer un nouveau permis ne peut prétendre à la restitution par l'administration du permis initial, sous réserve que son solde calculé comme indiqué ci-dessus ne soit pas nul, qu'à la condition que lui-même restitue le nouveau permis.

Le jugement prononçant l'annulation doit l'en informer en précisant que, s'il souhaite qu'il soit procédé à cet échange, il doit le faire savoir à l'administration dans un délai qu'il fixe et qu'à défaut l'intéressé sera regardé comme ayant définitivement opté pour la conservation du nouveau permis.

Lorsque le jugement qui a prononcé l'annulation de la décision constatant la perte de validité du permis initial ne comportait pas cette information, l'administration saisie par l'intéressé d'une demande d'échange du nouveau permis contre le permis initial doit faire droit à cette demande dès lors que le solde de points du permis initial n'est pas nul.

Si aucune demande d'échange n'a été formée, il appartient à l'administration, lorsqu'elle constate la perte de validité du nouveau permis pour solde de points nul, de vérifier le solde de points du permis initial déterminé conformément aux règles indiquées ci-dessus. Si ce solde est positif, elle doit restituer ce permis à l'intéressé. Si le solde est nul, elle doit lui notifier une décision constatant qu'il a perdu le droit de conduire. 

SOURCE : Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 22/07/2016, 382251