Au regard du contexte actuel sur le territoire américain, le cabinet est de plus en plus saisi par des ressortissant·e·s américain·e·s justifiant d’un lien personnel ou professionnel avec la France pour s’y établir. Certains se posent la question d’un éventuel statut de « Nomad Worker », d’autres souhaitent s’établir en France.
Cet article a pour but de vous présenter trois voies d’établissement temporaire ou plus pérenne suivant la priorité donnée : l’emploi aux États-Unis en télétravail (1), l’activité professionnelle en France (2) ou la vie familiale en France (3).
- Priorité au télétravail : visa et titre de séjour mention « visiteur »
Contrairement à d’autres États européens, la France n’a pas créé de statut spécifique pour les travailleurs à distance, « Nomad Workers » ou « Digital Nomads ».
Conformément à l'article L.426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la personne étrangère qui peut prouver qu'elle dispose de ressources suffisantes pour vivre en France sans recourir à l'aide sociale peut obtenir un visa « visiteur » puis un titre de séjour « visiteur ». Les conditions suivantes s'appliquent :
- Ressources suffisantes : La personne étrangère doit justifier de ressources annuelles au moins égales au salaire minimum de croissance net, soit environ 16 784,28 euros par an.
- Assurance maladie : Elle doit également prouver qu'elle dispose d'une couverture santé pour la durée de son séjour.
- Interdiction d'exercer une activité professionnelle en France : Le télétravail pour une entreprise étrangère n'est pas explicitement interdit, tant que l'étranger ne travaille pas pour un employeur français.
Pour illustration, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé le 12.05.2025 (n°2408998) qu’une la ressortissante américaine résidant en France en PACS avec un ressortissant français était éligible au titre de séjour « visiteur » malgré la présence de certaines ressources provenant de l’étranger. En effet, les ressources de son partenaire et la somme d’argent disponible sur ses comptes bancaires ont permis de justifier sa demande de carte de séjour. La condition de ressources de 16 000 euros annuels était pleinement remplie grâce aux revenus de son partenaire (plus de 27 000 euros nets) et d’environ 10 000 euros sur ses propres comptes bancaires.
Ainsi, le visa « visiteur » et le titre de séjour correspondant sont particulièrement adaptés pour les personnes en télétravail avec une entreprise étrangère, mais ils exigent de démontrer des ressources suffisantes et ne permettent pas l'exercice d'une activité professionnelle en France.
- Priorité à l’emploi en France : les visas et titres de séjour temporaires «salarié» - «travailleur temporaire» et «talent»
• En contrat à durée indéterminée : la carte de séjour « salarié »
L’article L.421-1 du CESEDA définit les conditions pour obtenir une carte de séjour mention «salarié». Si la personne travaille sous contrat à durée indéterminée (CDI) pour une entreprise en France et justifie d’une autorisation de travail, elle peut demander une carte de séjour de maximum un an, renouvelable. La délivrance d’une telle carte de séjour est subordonnée à la justification d’un visa de long séjour. Les conditions de délivrance du visa de long séjour « salarié » sont les suivantes:
- Ne pas représenter une menace pour l’ordre public.
- Justifier d’une autorisation de travail pour salarié étranger.
- Absence de détournement de l’objet du visa, c’est-à-dire que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l’intéressé·e en France.
Dans le cadre de l’examen du détournement de l’objet du visa, l’administration s’intéresse à l’adéquation entre le poste souhaité et le profil de l’intéressé·e tout comme à la vérification de ses qualifications professionnelles.
Une fois le visa « salarié » obtenu, la carte de séjour mention «salarié» peut être renouvelée et une carte pluriannuelle peut être délivrée.
• En contrat à durée déterminée : la carte de séjour « travailleur temporaire »
Si l'étranger travaille sous contrat à durée déterminée (CDD), l’article L.421-3 du CESEDA prévoit que la carte de séjour « travailleur temporaire » peut être délivrée. Cette carte de séjour est valable pour la durée du contrat (maximum un an) et peut être renouvelée.
• Pour les professions non salariées : la carte de séjour « entrepreneur/profession libérale»
L’article L.421-5 du CESEDA prévoit la délivrance d’une carte de séjour mention «entrepreneur/profession libérale» à la personne qui justifie exercer une activité non salariée, économiquement viable, générant des moyens d’existence suffisants. Les activités concernées sont celles devant faire l’objet d’une inscription au Registre du commerce et des sociétés, au Répertoire des métiers ou à l’URSSAF.
Pour l’obtention de cette carte, il faut justifier des éléments suivants :
- L’absence de condamnation pénale ou d’interdiction d’exercer une activité commerciale.
- Une activité professionnelle non salariée : entrepreneur, profession libérale ou artiste indépendant.
- Du caractère économiquement viable de l’activité : l’administration prend en considération le contexte concurrentiel de l’activité et les résultats précédents.
- D’une activité rémunératrice (ici, les revenus du conjoint et les revenus accessoires tirés d’une activité salariée ne peuvent être pris en compte).
- D’une adéquation entre les compétences et l’activité.
Ainsi et suivant le niveau de qualification et le type de contrat de travail, il est possible de s’établir en France pour motif professionnel.
- Priorité à l'installation par les liens familiaux : le PACS et le mariage
• En cas de PACS
L’article L.423-23 du CESEDA prévoit la délivrance d’une carte de séjour mention « vie privée et familiale » à une personne en fonction de sa situation familiale, y compris dans le cadre d’un PACS.
Bien que la conclusion d’un PACS ne confère pas les mêmes droits qu’un mariage, la personne étrangère peut demander une carte de séjour « vie privée et familiale » si elle justifie de liens familiaux suffisamment intenses, anciens et stables. L’administration et les juridictions examinent la vie privée et familiale en faisant la balance des intérêts personnels et familiaux de la personne sur le territoire français et dans son pays d’origine.
Ainsi, un·e ressortissant·e américain·e qui demanderait une carte de séjour en exposant avoir sa famille aux États-Unis et y ayant vécu la plus grande partie de sa vie se verrait vraisemblablement refuser sa demande.
Dans plusieurs décisions récentes, la jurisprudence concernant des ressortissant·e·s américain·e·s expose le cadre dans lequel elle juge les liens personnels et familiaux intenses, anciens et stables :
- Tribunal administratif de Montpellier n°2303713 du 05.10.2023 : 15 ans de vie commune aux États-Unis, 1 an de vie commune en France, PACS depuis 3 ans et insertion dans la vie locale.
- Cour administrative d’appel de Bordeaux n°23BX02501 du 18.04.2024 : en couple depuis 1 an et demi, PACS depuis 9 mois, vie commune depuis 1 an, création d’un commerce en France et implication dans des cours d’anglais.
- Tribunal administratif de Paris n°2413865 du 25.09.2024 : en couple depuis 3 ans et demi, PACS depuis 1 an et demi, mariage depuis 6 mois et vie commune depuis 2 ans.
• En cas de mariage
Sur le fondement de l’article L.423-1 du CESEDA, une carte de séjour mention «vie privée et familiale» peut être délivrée aux personnes étrangères mariées avec un·e ressortissant·e français·e.
Attention, si le mariage est célébré aux États-Unis, il faudra procéder à une transcription de l’acte de mariage sur les registres de l’état civil français, ce qui peut prendre beaucoup de temps.
L’intéressé·e doit justifier d’une entrée en France avec un visa de long séjour. À défaut, il faudra justifier d’une vie commune en France durant 6 mois (L.423-2 du CESEDA).
- Les voies et délais de recours en cas de rejet des demandes de visas et de cartes de séjour
Pour les demandes de visa, le délai de refus implicite est de 2 mois, il faut ensuite saisir soit le sous-directeur des visas à Nantes – visa de court séjour –, soit la commission de recours contre les refus de visa à Nantes – visa de long séjour. En cas d’absence de réponse au recours dans un délai de 2 mois, le tribunal administratif de Nantes peut être saisi.
Pour les demandes de cartes de séjour, le délai de refus implicite de la demande est de 4 mois. À défaut de réponse dans ce délai, le tribunal administratif territorialement compétent (lieu de résidence) peut être saisi.
Ainsi, plusieurs options s’offrent aux émigrant.e.s américain.e.s pour s’installer en France. Le visa « visiteur » est une bonne option pour ceux souhaitant continuer un emploi à distance avec un employeur à l’étranger, mais il nécessite de prouver des ressources suffisantes. Les personnes embauchées sur le territoire français peuvent accéder à une carte de séjour suivants leurs contrats, qualifications et rémunérations. Si des liens familiaux solides existent en France, la carte de séjour « vie privée et familiale » peut être une alternative. Après étude des dispositions légales applicables et la jurisprudence en la matière, il est très clair que l’obtention d’un visa ou d’une carte de séjour pour motif professionnel est plus aisée que sur le terrain familial.


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