Affaire Elisa Pilarski : "Je doute qu'elle ait été tuée par son propre chien" Le rôle et la participation des chiens sont au cœur de l'affaire Elisa Pilarski, retrouvée morte après avoir été attaquée dans une forêt de l'Aisne. Analyse avec un avocat spécialiste du droit des animaux. Par Propos recueillis par Xavier FRERE / Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA)
Elisa Pilarski, 29 ans, a été retrouvée morte dans une forêt de l'Aisne le 17 novembre dernier. D'après l'autopsie, elle serait morte après une "hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu'à la tête, certaines morsures étant ante mortem et d'autres post mortem".
A ce moment-là, la jeune femme se promenait avec son chien, tandis qu'une chasse à courre se tenait dans les environs. Quel est le rôle des chiens dans cette affaire ? Faut-il remettre en cause la détention de chien de catégorie ?
Eric Alligné, avocat à Paris, spécialiste en droit des animaux, répond à nos questions.
Christophe Ellul souhaite prendre un avocat pour demander la libération, ou le transfert de son chien Curtis. Que dit la loi ?
Quand il existe un problème avec un chien "dangereux" ou qui aurait mordu, on fait une saisie conservatoire de l'animal : il est placé dans un chenil pour évaluer s'il est dangereux ou pas. Un vétérinaire procède à une évaluation comportementale. Si elle est positive, le propriétaire, à travers son avocat, peut demander à l'autorité judiciaire la restitution de l'animal ("la main levée"). En l'état de cette affaire, la main levée est tout à fait faisable. Et Curtis ne peut pas être euthanasié tant que l'enquête n'a pas été bouclée... Et si son chien Curtis mord en fourrière, comme l'explique le compagnon d'Elisa Pilarski ? Il n'y a que le vétérinaire évaluateur qui peut attester si le chien est dangereux ou pas, "mordeur", comme on dit. L'évaluation se fait en plusieurs étapes, sur plusieurs semaines. Peut-être que ce chien est plus stressé depuis qu'il est en chenil.
Cet American Staff peut-il mordre, d'après vous, son ou sa propriétaire ?
Ça peut arriver, mais c'est très très rare. Il peut mordre des tiers pour protéger son maître contre un agresseur. Mais qu'il se retourne contre son propriétaire, j'ai dû mal à l'imaginer, ce n'est pas là-dessus que j'irais en premier...Je doute énormément que cette femme ait été tuée par son propre chien.
Que vous inspire cette affaire hors-normes ? Il y a beaucoup d'interrogations. Le cœur du problème de l'affaire Pilarski est : chiens de chasse à courre ou chiens de catégorie ?
On peut regretter que cette enquête sous l'autorité pénale n'ait pas une volonté rapide de faire la lumière, a très vite évacué le principe de culpabilité des chiens de chasse à courre qui étaient dans le secteur, et semble désormais s'orienter vers la culpabilité "des chiens de catégorie". Cette affaire a en tout cas permis d'ouvrir un débat sur la chasse à courre qui reste un vrai problème en France en 2020.
Les chiens de catégorie 1, comme l'Amstaff, que l'on appelait autrefois pit-bull, peuvent-ils être considérés comme dangereux ?
Si vous regardez les chiffres des morsures et des attaques de chiens de catégorie (cat 1, chiens d'attaque : type American Staffordshire ; cat 2, chiens de garde et de défense : type Rottweiler), c'est minime. Ce n'est pas la race qui fait la dangerosité du chien, c'est le maître évidemment. Un berger allemand est tout aussi dangereux, à partir du moment où il y a un mauvais propriétaire. Dans le cas d'Elisa Pilarski, rien ne dit qu'elle et son compagnon possédaient des chiens dangereux.
Est-ce un délit de "sale gueule" pour l'Amstaff ?
Oui, tout à fait. Il a mauvaise réputation, parce que c'est soi-disant un chien de "combat", mais le berger allemand, utilisé par les forces allemandes, avait très mauvaise réputation durant la guerre, et il n'a pas été classé en chien de catégorie. On a créé la loi des chiens de catégorie parce qu'il y avait des combats de chiens dans certaines cités, et on a mis un permis de détention pour les empêcher. Quand on regarde les chiffres en France et dans le monde, ce ne sont pas les Amstaff et les Rottweiler les principaux responsables des morsures, donc cette loi sur les chiens de catégorie ne s'explique pas pour des raisons sécuritaires mais pour des raisons pratiques et permettre aux forces de l'ordre d'aller voir ce qu'il se passe dans les caves des cités... En ce moment, un député LREM est en train de faire un état des lieux sur les chiens de catégorie, le gouvernement a envie de réactualiser cette loi. Assouplissement ou durcissement, on ne sait pas.
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