Un état des lieux, d'entrée ou de sortie, peut être établi par un commissaire de justice sans respecter le délai de sept jours prévu par l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989.

Dans ce cas, comment doit être réparti le coût de cette intervention entre le bailleur et le preneur ?

La Cour de cassation nous offre la réponse dans un arrêt du 26 octobre 2023, n°22-20.183.




I. RAPPEL DE LA LOI

A. Disposition de l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989

Ce texte énonce tout d'abord que l'état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles.

Ensuite, cet article ajoute qu'à défaut, l'état des lieux pourra être établi par un commissaire de justice.

Enfin, chaque partie peut prendre l'initiative de demander à un commissaire de justice d'intervenir et ce, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Dans ce cas, les parties en sont avisées par le commissaire de justice au moins sept jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

 

B. Conséquences

Cet article signifie que si l'une des parties (bailleur ou locataire) décide d'elle-même, sans qu'il ait été tenté d'établir un état des lieux amiablement et contradictoirement, de recourir à un commissaire de justice, elle devra alors supporter seule les frais de cette intervention.




II. POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Jamais la Cour de cassation n'avait eu à se prononcer sur la question de savoir si les frais du commissaire de justice devaient être supportés en entier par la partie qui l'avait sollicité, en l'absence de respect du délai de convocation de sept jours par ledit commissaire.

C'est désormais chose faite.

La Cour de cassation a considéré que, lorsque les parties n'ont pas été convoquées par LRAR adressée au moins sept jours à l'avance, celle qui a pris l'initiative de faire établir l'état des lieux par un huissier de justice ne peut demander le remboursement de la moitié de son coût à l'autre partie.

Force est de constater que la Cour de cassation a ajouté une condition à l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, opérant une interprétention extensive de ce dernier.

En effet, cet article indique que le partage du coût de l'état des lieux par un commissaire de justice doit être effectué s'il n'a pas été possible d'établir contradictoirement et amiablement un état des lieux. Il n'y a aucune autre indication.




III. APPRECIATION DE L'ARRÊT

  • Est-ce une appréciation équitable sur le plan humain ?

A notre sens, non. En effet, la partie qui n'a pas le choix de recourir à un commissaire de justice, car l'autre partie refuse un état des lieux amiable et contradictoire, se retrouve lésée financièrement, car ce recours n'était pas de son fait... 

  • Est-ce une appréciation cohérente sur le plan juridique ?

Oui, car le délai de sept jours est imposé par la loi et ne souffre d'aucune interprétation. Si le commissaire de justice na pas respecté ce dernier, la partie qui l'a sollicité pourra toujours lui demander de ne pas régler ses frais en intégralité, en raison de sa carence quant à ne pas avoir respecté la loi.

En outre, on rappellera que le constat du commissaire de justice, même établi unilatéralement est une preuve recevable en justice : "un constat d'huissier, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties" (Cass. civ. 1ère, 12 avril 2005, 02-15.507).

Aussi, l'arrêt de cassation peut paraître injuste, mais un tel constat rendra bien service à la partie la plus diligente s'il faut réclamer des réparations locatives ou le remboursement du dépôt de garantie.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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