Par un arrêt du 15 juin 2023 (RG n° 21/15275), la Cour d'appel de PARIS a déclaré ne pas être valablement saisie, faute pour la déclaration d’appel déposée par la société OPEN ENERGIE de préciser les chefs de jugement critiqués ou dont elle demandait l'infirmation.




I. EXPOSÉ DES FAITS

Le 4 janvier 2018, la société OPEN ENERGIE a démarché un particulier à son domicile. Aux termes d'un discours habile (récupération de TVA, aides de l'Etat et économie d'énergie), elle convainc son client de signer un bon de commande en vue de la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque en auto-consommation, d'un outil de monitoring Smart energy home et d'un chauffe-eau thermodynamique pour un montant de 26.900€.

Pour permettre cette acquisition, l'acquéreur signe avec son épouse un contrat de crédit auprès de la société SOFINCO, pour un montant de 26 900 euros remboursable en 185 mensualités de 214,06 euros hors assurance facultative, remboursable au taux annuel effectif global de 4,90 %.

Les belles promesses du vendeur n'étant que chimères, l'acquéreur a sollicité l'annulation amiable de la vente et du crédit, mais sans succès.




II. PROCÉDURE 

Un procès s'est alors ensuivi devant le tribunal de proximité de Longjumeau qui, par jugement du 24 juin 2021 a prononcé l'annulation des contrats de vente et de crédit, et condamné la société OPEN ENERGIE à restituer à son client la somme de 26.900 euros, à lui payer 2000€ à titre de dommages et intérêts et 1000€ au titre des frais d'avocat.




III. OPEN ENERGIE INTERJETTE APPEL

Le 4 août 2021, la société Open Énergie interjette appel du jugement et dépose auprès de la Cour d'appel de PARIS une déclaration d'appel précisant uniquement : « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ».

Ultérieurement, la société OPEN ENERGIE dépose ses conclusions (= ses arguments) devant la Cour d'appel de PARIS et justifie les raisons de son appel, en critiquant intégralement le jugement.




IV. MOTIVATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS

La Cour d'appel de PARIS rappelle que, en application de l'article 562 du code de procédure civile, la déclaration d'appel informe la Cour de la nature des chefs de jugement que l'appelant conteste expressément.

Juridiquement parlant, cela signfie que la déclaration d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Aussi, lorsque la déclaration d'appel demande la réformation du jugement mais ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, de sorte que la cour n'est pas valablement saisie.

En l'espèce, la société OPEN ENERGIE a rempli une déclaration d'appel comme suit :

  • « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués »

Cette mention est lapidaire et insuffisante, car la Cour d'appel ignorait la nature des chefs de jugement dont il étiat demandé l'infirmation. 

Si les conclusions (= arguments soulevés devant les juges) portent à la connaissance de la Cour d'appel les arguments de son auteur, pour autant ce ne sont pas les conclusions qui forment l'appel : seule la déclaration d'appel opère dévolution. De fait, les conclusions ne peuvent pas régulariser la défaillance de la déclaration d'appel. En revanche, une nouvelle déclaration d'appel régularisée dans les délais aurait pu pallier ladite défallance.

L'indétermination des chefs exacts du jugement critiqués dans la déclaration d'appel ne permettant pas de connaître la portée de ce qui est dévolu à la Cour d'appel de PARIS, cette dernière ne s'est pas considérée valablemement saisie du litige opposant les parties et a prononcé la caducité de l'acte de saisine.

Cela signifie que le jugement du 24 juin 2021 conserve tous ses effets, la société OPEN ENERGIE est doit régler l'intégralité du montant de ses condamnations.




V. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

Aux termes de l'article 562 du Code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel « défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent » et « la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

En application de ce texte, la Cour de cassation considère que « seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement » (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, nº 20-20.936) et, en conséquence, que « lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ».

Il en résulte qu'une déclaration d'appel n'énumérant pas expressément les chefs critiqués du jugement est dépourvue d'effet dévolutif et ne saisit la cour d'appel d'aucune demande.

Tel est le cas lorsque la déclaration d'appel se borne à indiquer que :

  • l'appel est « total » (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, nº 20-20.936, précité), 
  • l'appel est « limité aux chefs de jugement expressément critiqués » (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, nº 21-11.401, B)
  • l'appel porte « sur l'ensemble des moyens rejetés en première instance » (Cass. 2e civ., 30 juin 2022, nº 21-13.649).

Dans ces conditions, la déclaration d'appel est privée d'efficacité juridique, puisqu'elle ne saisit pas la cour d'appel et l'appelant est donc irrecevable dans ses demandes.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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