Le 5 juillet 2023 (n° 22-17.109), la COur de cassation a rappelé que l'inexécution par un vendeur de ses obligations contractuelles doit être réparée intégralement en cas de dommage survenu de son seul fait.


I. LES FAITS

Une société installe une chaudière à granulés de bois, ainsi qu'un silo, un ballon d'eau chaude et divers éléments de bon fonctionnement, au domicile d'un couple.

Ce dernier se plaignant de dysfonctionnements de la chaudière les privant d'eau chaude et de chauffage.

De fait, un procès s'ensuit et le tribunal de Charleville-Mézières désigne un expert judiciaire.


II. CONSTATATIONS DE L'EXPERT JUDICIAIRE

Selon l'expert désigné par le tribunal, les dysfonctionnements de la chaudière résultent des particules fines contenues dans les pellets présents dans le silo de stockage.

En effet, le chargement du camion transportant les pellets, ainsi que la livraison au domicile des clients, par un camion souffleur trop éloigné de la buse, détériorent la qualité des pellets.

Autrement dit, les pellets perdent leur qualité lorsqu'ils sont versés dans le silo.

Si le contrat conclu par les acquéreurs et le vendeur installateur ne comprenait pas la fourniture et la livraison des pellets, il résulte que le camion chargé de la livraison des pellets doit pouvoir s'approcher à moins de 15 ml de la buse de remplissage afin d'éviter de les détériorer et que ce point n'a pas fait l'objet d'un avertissement suffisant par le vendeur aux acquéreurs. L'installateur du silo et de la buse de remplissage ne peut dès lors prétendre que les désordres ne lui sont pas directement imputables, dès lors qu'il devait donc informer ses clients acquéreurs de la nécessité de rapprocher le camion de livraison à une telle distance de ladite installation afin d'éviter de dégrader les pellets et de créer une poussière pouvant altérer le matériel, dès lors que cette mesure est nécessaire au bon fonctionnement de la chaudière qu'il a installée.


III. CONDAMNATION PARTIELLE DU VENDEUR INSTALLATEUR PAR LES JUGES D'APPEL

Les juges retiennent la responsabilité contractuelle du vendeur installateur faute de délivrance conforme de la chaudière et pour défaut d'information.

Le couple ayant été privé d'eau chaude et de chauffage durant 1 an, la Cour d'appel valide le raisonnement du Tribunal ayant relevé que le préjudice de jouissance résultant de la privation d'eau chaude et de chauffage est important en ce qu'il affecte la vie quotidienne de celui qui le subit.

Les juges s'accordent pour évaluer la réparation du préjudice de chacun des époux acquéreurs à la somme mensuelle de 500 euros et donc une somme globale de 6 000 euros pour les douze mois qu'a duré ce préjudice. De même, les juges d'appel valident l'appréciation du tribunal ayant alloué une somme de 1500€ à chacun des époux au titre du préjudice moral subi.

Cependant, les juges d'appel considèrent que la faute du vendeur installateur n'est que partielle et seulement engagée à hauteur de 10%

De fait, les juges d'appel ne condamne l'installateur qu'à payer à chacun des époux Aa la somme de 600 euros au titre de leur préjudice de jouissance et de 150 euros en réparation de leur préjudice moral.  


IV. COUR DE CASSATION SANCTIONNE LES JUGES D'APPEL

Les acquéreurs contestent que le vendeur soit partiellement condamné à les indemniser et ils ont parfaitement raison.

En effet, la Cour de cassation rappelle au visa des anciens article 1147 et 1148 du Code civil (dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) que :

Le débiteur d'une obligation est condamné au paiement de l'entier dommage à raison de l'inexécution de celle-ci, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par un événement constitutif de force majeure.

 

La Cour de cassation en conclut que les juges d'appel ont violé le droit, car la faute commise par le vendeur installateur ayant concouru à la réalisation du dommage des époux ( absence d'eau chaude durant 1 an), il devait être condamné à le réparer en totalité (à 100% et non 10%).

La Cour de cassation condamne le vendeur à indemniser partiellement les acquéreurs des frais engagés pour leur pourvoi et renvoie les parties devant la cour d'appel de DOUAI.


V. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

En premier lieu, cet arrêt s'applique sous l'empire du nouveau Code civil.

En effet, l'ancien article 1147 a été remplacé par l'article 1231-1 du Code civil :

Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Aussi, l'arrêt de cassation s'applique de nos jours.

En second lieu, si le vendeur n'exécute pas ses devoirs, il doit indemniser en totalité son client, sauf cas de force majeure justifiant la carence du vendeur.

Dans la présente affaire, la chaudière ne répondait pas à sa destination : privation d'eau chaude pendant un an !

Il était impossible (et impensable) de condamner le vendeur partiellement, car le dysfonctionnement de la chaudière était de son fait.

Il aurait été possible de le condamner partiellement si un autre intervenant avait concourru à la panne dans la chaîne contractuelle, auquel cas la réparation aurait été partagée entre ces deux personnes, mais le cumul de la réparation aurait toujours été de 100%. 

La Cour de cassation a donc corrigé la situation en rétablissant autant que possible le déséquilibre occasionné par le dommage et en replaçant les acquéreurs victimes dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si l’acte dommageable ne s'était pas produit.


Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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