Le 09 novembre 2023, la Cour d'appel de BORDEAUX a prononcé l'annulation d'un contrat de vente pour pratique commerciale trompeuse. 






I. LES FAITS

En mars 2018, un couple est démarché par des commerciaux de la société GENFORCE (aujourd'hui en faillite), se faisant passer pour des agents territoriaux.

Ces personnes se présentent comme des agents territoriaux et indiquent à leurs victimes que l'Etat leur a accordé une subvention de 28 000 euros pour la réalisation de travaux.

De fait, un bon de commande est signé à hauteur de 24 800€ TTC, portant sur la réalisation de travaux de nettoyage de façades, de toitures et d'isolation de la toiture d'un garage. Le jour de la réalisation des travaux, un ouvrier aurait procédé à un nettoyage partiel, sur une très courte durée. Les acquéreurs, après n'avoir reçu aucune nouvelle, se voient adresser des lettres de relance de deux établissements de crédit : CETELEM et SOFINCO, au titre de contrats de crédit qu'ils n'ont jamais souscrits !!!

Fort heureusement, la société SOFINCO a renoncé à poursuivre le couple en remboursement du crédit, à l'inverse de CETELEM.

 

II. PROCEDURE

A. REJET DES DEMANDES PAR LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

Aussi, le 22 mars 2019 , les acquéreurs ont assigné la société GENFORCE et la société BNP PARIBA SPERSONAL FINANCE (alias CETELEM) devant le tribunal d'instance de Bordeaux aux fins d'obtenir l'annulation du contrat principal et du contrat de prêt associé CETELEM, aux motifs du déblocage fautif des fonds par la banque.

Par jugement du 7 septembre 2020 , le tribunal judiciaire de Bordeaux a pris acte du désistement des acquéreurs à l'égard de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, mais les a déboutés de leur demande en annulation du bon de commande !!!

 

B. GAIN DE CAUSE DEVANT LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Le couple a alors relevé appel le 10 septembre 2022.

La Cour d'appel a constaté que les commerciaux de la société GENFORCE ont usé de méthodes propres à convaincre les acquéreurs, lesquels n'étaient pas en capacité intellectuelle d'apprécier en toute connaissance de cause leurs besoins réels ni de résister à la pression exercée sur eux.

Effectivement, l'époux souffrait d'une surdité totale et a été placé sous tutelle quelques jours après les faits, décision prise après qu'il ait été constaté qu'il souffrait de troubles ne lui permettant plus de faire preuve de discernement.

Quant à l'épouse, elle était déjà placée sous le régime de la curatelle renforcée pour des motifs similaires. Ces troubles du couple étant liés à l'âge, les juges d'appel ont été convaincus qu'ils existaient déjà, même de manière atténuée, lors de la conclusion du contrat.

Aux termes d'un rapport d'expertise diligenté par le biais de l'assurance protection judridique des époux acquéreurs, il a été constaté que sur les différentes prestations facturées par la société GENFORCE (nettoyage des façades et des couvertures de deux garages et mise en place d'un isolant pour ces bâtiments), seule une infime partie avait été réalisée, de sorte que le montant total des travaux facturés mais non réalisés s'élevait à la somme de 21372,85 € ! 

En outre, il apparaît aux termes d'une enquête pénale effectuée en parallèle et d'une lettre de licenciement des personnes venues démarcher le couple ont bien été coupable de manoeuvres frauduleuses à leur encontre.

Aussi, la Cour d'appel a reconnu que le couple a bien été victime de faits de pratiques commerciales trompeuses.

De fait, lensemble de ces éléments permet de dire que le consentement des époux n'a été ni libre, ni éclairé de sorte que l'annulation du contrat doit être prononcée.

Le jugement est alors annulé.





IV. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

En vertu de l'article L. 121-2 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans quatre circonstances :

  1. elle créée une confusion
  2. elle consiste en des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur
  3. l'auteur de la pratique n'est pas identifiable
  4. le bien vendu n'est pas uniforme avec les autres biens vendus dans l'Union Européenne

Selon l'alinéa 1er de l'article L. 121-3, « une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

Le consommateur ne dispose donc pas de l'information substantielle ou ne peut la comprendre (comme en l'espèce). Le principe renvoie au vice du consentement du dol par réticence.

En l'espèce, les juges d'appel ont constaté l'état de faiblesse des acquéreurs : leurs facultés intellectuelles altérées ont justifié l'ouverture d'une tutelle et curatelle. Il était donc certain que, lors des faits, ils ne disposaient pas de leurs pleines facultés.

Bien plus, il a été démontré que des informations fausses et trompeuses ont été données aux acquéreurs à l'égard de la réalité des travaux et de leur coût.

Aussi, les acquéreurs, ignorant la nature du contenu de leur engagement (et, de surcroît, incapables de réaliser qu'ils étaient trompés), l'annulation du contrat de vente s'imposait.





Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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