Nouvelle jurisprudence en matière de calcul des indemnités en cas de licenciement d’un salarié en temps partiel thérapeutique : Analyse de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre 2024 (n° 23-11.582)

La Cour de cassation a rendu, le 2 octobre 2024, un arrêt qui clarifie le calcul des indemnités de licenciement, de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque le salarié est en temps partiel thérapeutique. Cette décision prend appui sur la loi du 27 mai 2008 relative à la lutte contre les discriminations, renforce la protection des salariés en situation de vulnérabilité liée à leur état de santé.

Le cadre juridique 

1. Le principe d’interdiction de la discrimination liée à l’état de santé

L’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination, directe ou indirecte, en raison de l’état de santé d’un salarié. Ce principe s’applique dans toutes les décisions de gestion de la relation de travail, y compris en matière de rémunération et de licenciement. 

La discrimination directe se produit lorsqu’un salarié est traité de manière moins favorable en raison de son état de santé par rapport à un autre salarié dans une situation comparable.

Quant à la discrimination indirecte, elle intervient lorsqu’une pratique apparemment neutre entraîne un désavantage pour une personne en raison de son état de santé, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

2. Le temps-partiel thérapeutique est un dispositif temporaire permettant au salarié dans l’incapacité, pour des raisons médicales, de reprendre immédiatement son poste à temps plein, de bénéficier d'horaires allégés.

Il nécessite l’avis du médecin traitant ou du médecin-conseil de la Sécurité sociale, qui évalue l’état de santé du salarié et détermine si une reprise à temps partiel est appropriée pour sa situation. Cette décision est souvent prise après un arrêt de travail pour maladie ou accident (professionnel ou non). Il constitue un aménagement du poste de travail qui est nécessairement validé par le médecin du travail.

Le salaire est du à proportion du nouveau temps de travail mais il est complété par les indemnités journalières de la sécurité sociale. La perte de salaire est limitée voir nulle dans certains cas.

 

3. Rappel des différentes indemnités pouvant être dues au salarié :

- Le droit à une indemnité compensatrice de préavis,

L’article L. 1234-5 du Code du travail prévoit que, sauf en cas de faute grave, tout salarié licencié a droit à une indemnité compensatrice de préavis s’il n’exécute pas son préavis.

- L'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement

Selon les articles L. 1234-9 et R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

A partir de cette moyenne, la loi fixe un socle minimal (1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les 10 premières années et 1/3 de mois de salaire pour les années suivantes), sauf si la convention collective applicable prévoit des dispositions plus favorables que ce calcul, ce qui est assez fréquent, notamment pour les cadres.

- L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordée par le juge 

L’article L. 1235-3 du Code du travail impose qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié une indemnité calculée en fonction de son ancienneté et de son salaire. Ce montant est encadré par un plancher et un plafond exprimés en mois de salaire brut selon un barème dit "Barème Macron".

4. Les faits d'espèce : un licenciement en temps partiel thérapeutique

Dans l'affaire jugée par la Cour de cassation, une salariée, placée en temps partiel thérapeutique après une longue période d’arrêt maladie, a été licenciée. Le litige portait sur la manière de calculer ses différentes indemnités (préavis, indemnité pour licenciement abusif, et indemnité légale de licenciement), notamment sur le salaire de référence à prendre en compte.

La Cour de cassation rappelle que le temps partiel thérapeutique est un aménagement temporaire du contrat de travail dû à l’état de santé du salarié, et qu’il ne doit en aucun cas entraîner un désavantage économique pour celui-ci en cas de licenciement. 

Elle énonce le principe suivant :

  • Le salaire de référence pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être le salaire perçu par la salariée avant la mise en place du temps partiel thérapeutique, et non celui réduit en raison du temps partiel thérapeutique. Ainsi, le calcul des indemnités doit se fonder sur le salaire complet que percevait le salarié avant son aménagement de poste pour la médecine du travail pour des raisons de santé.
  • L'assiette de calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant éventuellement précédé.

Cet arrêt de la Cour de cassation clarifie le cadre applicable au calcul des indemnités pour les salariés licenciés alors qu'ils sont en temps partiel thérapeutique. Il s’inscrit dans la continuité de la lutte contre la discrimination liée à l’état de santé et renforce les garanties offertes aux salariés vulnérables.

En effet, le principe de non-discrimination en fonction de l'état de santé implique ici qu'en cas de licenciement, les salariés placés en temps partiel thérapeutique bénéficient d’une indemnisation identique à celle des salariés à temps plein, évitant ainsi tout impact financier défavorable lié à leur état de santé.

Cet arrêt du 2 octobre 2024 est une avancée importante en matière de protection des salariés fragilisés par leur état de santé. En rappelant l’importance du principe de non-discrimination pour le calcul des indemnités de licenciement, la Cour de cassation offre une clarification précieuse pour les salariés et les employeurs.