Le tribunal administratif de Bastia vient de rendre une décision particulièrement intéressante concernant les modalités pratiques d'appréciation des espaces stratégiques agricoles du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDuC) (Tribunal administratif de Bastia, 4 avril 2025, n° 2201075) !
Cette décision résulte d'un litige né entre le préfet de la Haute-Corse et la mairie de Castellare-di-Casinca.
Le préfet a demandé au tribunal administratif de Bastia l'annulation de la délibération du conseil municipal de Castellare-di-Casinca du 3 mars 2022 portant approbation du plan local d'urbanisme révisé de la commune en tant seulement qu'elle procède au classement d'une partie d'une parcelle situé dans le secteur de Saint-Pancrace.
Le préfet reproche à la commune d'avoir rendue constructible une parcelle sur 1/3 de sa surface alors que, située en plaine agricole, équipée d'infrastructures d'irrigation et présentant une pente inférieure à 15%, elle répond aux critères d'identification des ESA.
Pour justifier son analyse, le préfet a indiqué en outre que :
- Le reste de la parcelle est classé en zone As (agricole stratégique) dans le projet de PLU ;
- La parcelle est déclarée par un exploitant agricole, au titre de la PAC, depuis 2018 ;
- La vocation agricole de cette parcelle est également reconnue par l'Institut National de l'Origine et la Qualité (INAO) qui l'a incluse dans l'aire AOC Vins de Corse ;
- La commission territoriale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CTPENAF) avait ainsi rendu un avis, le 03 avril 2020, demandant le classement de ladite parcelle en zone agricole.
Au regard de ces différents éléments, le préfet a estimé que ce classement partiel en zone constructible était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Toutefois, le tribunal administratif de Bastia n'a pas suivi le raisonnement du préfet.
Plusieurs éléments sont avancés par le tribunal pour considérer que le projet n'est pas incompatible avec le PADDuC :
- La portion en litige de la parcelle dont la contenance totale est de 3,5 ha, est comprise dans le secteur de Saint-Pancrace, lequel, situé le long de la RT 10 et, bien que n'étant pas en continuité physique avec le village ancien, concentre néanmoins des activités sociales, telle la présence d'un édifice du culte, des activités commerciales et de service public, tel le groupe scolaire, et présente le caractère d'un lieu de vie pérenne.
- Les auteurs du PLU y ont contenu la délimitation des zones UC, UCa, UCai et UCb dans une enveloppe déjà urbanisée très circonscrite qui, si elle permet une densification de l'urbanisation, ne peut, en revanche, eu égard à sa configuration, avoir pour effet de l'étendre et qui, sauf à entraver toute vitalité urbaine sur le territoire communal, n'apparaît ni contraire à l'article L.121-8 du code de l'urbanisme ni manifestement incompatible avec les orientations du PADDUC prises en application de ces dispositions ;
- La portion de la parcelle en litige se trouve en continuité immédiate de parties déjà urbanisées qui la bordent sur deux côtés et dont elle apparaît difficilement dissociable sauf à les restreindre dans des proportions excessives ;
- Il n'est ni établi ni même allégué que les qualités agricoles de cette parcelle, seraient irrémédiablement compromises sur le surplus de sa superficie, classé en zone Asi, par cette inclusion partielle en zone constructible.
Pour toutes ces raisons, le tribunal administratif de Bastia a estimé que le préfet n'était pas fondé à soutenir que la délimitation ainsi arrêtée par les auteurs du PLU serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
L'appréciation des ESA doit faire l'objet d'une analyse particulièrement fine et tenir compte des exemples jurisprudentiels du tribunal administratif.
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