La Cour de cassation vient de reconnaître la notion de harcèlement moral institutionnel dans le cadre de l'affaire France Télécom. La chambre criminelle reconnaît ainsi une méthode qui résulte "d'une politique d'entreprise conduisant, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés".
Une trentaine de suicide de salariés entre 2007 et 2009
Les deux ex-dirigeants de France Télécom (devenu Orange en 2013) étaient mis en examen dans le cadre du plan visant à transformer France Télécom en 3 ans avec, à la clef, un plan massif de réduction des effectifs.
Cette période marquait alors le début d'une vague d'une trentaine de suicides de salariés.
La crise éclate lorsqu'un technicien marseillais se suicide, en mettant directement en cause France Télécom.
L'entreprise devient alors le symbole de la souffrance au travail.
Une décision qualifiée d'historique
La Cour de cassation consacre ainsi en jurisprudence la notion de "harcèlement moral institutionnel".
La Cour reprend à son compte le raisonnement de la Cour d'appel. Ainsi, le harcèlement moral institutionnel entre bien dans le champ du harcèlement moral au travail tel que le conçoit le Code pénal.
Les prévenus prétendaient que la Cour n'avait pas à s'immiscer dans une stratégie d'entreprise.
La Cour répond que la loi permet de réprimer des agissements répétés qui s'inscrivent dans une "politique d'entreprise". Ces agissements se caractérisent par une politique d'entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs, ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier.
La plus haute juridiction précise également qu'une telle politique relève du pouvoir de direction de la société. Toutefois, les dirigeants doivent examiner la méthode utilisée afin de déterminer si elle excède le pouvoir normal de direction.
En l'espèce, pour les magistrats, cette politique reposait sur la "création d'un climat anxiogène". Celle-ci s'est traduite par "la prise en compte des départs dans la rémunération des membres de l'encadrement" et "le conditionnement de la hiérarchie intermédiaire à la déflation des effectifs".
Pour la chambre criminelle, la faute la plus importante a été de passer d'un objectif "indicatif" à une objectif "impératif". Objectif qui devait être atteint "coute que coute". Pour elle, la responsabilité pénale des dirigeants repose sur "la décision partagée de mener une telle politique de déflation à marche forcée fondée sur des agissements harcelants".
Cass. Crim. 21 janvier 025, n°22-87.145
Pour toute question, n’hésitez pas à contacter le cabinet.
Pas de contribution, soyez le premier