En cas de durée excessive, ou anormalement longue, d’une procédure contentieuse devant une juridiction administrative, il est dorénavant possible d’obtenir une indemnisation en raison des préjudices subis.
Le droit à un délai raisonnable
Selon l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), les juridictions nationales doivent statuer dans un délai raisonnable. Ce principe est également reconnu par le Conseil d'État, qui a établi que le caractère raisonnable du délai de jugement doit être apprécié de manière globale et concrète, en tenant compte de la complexité de l'affaire, des conditions de déroulement de la procédure et du comportement des parties.
La responsabilité de l'État
La responsabilité de l'État peut être engagée pour le fonctionnement défectueux du service public de la justice administrative, notamment en cas de durée excessive de la procédure.
Le Conseil d'État, dont l'arrêt « Magiera » a été rendu par l'assemblée du contentieux le 28 juin 2002, a opéré un revirement de jurisprudence ouvrant la voie à une véritable indemnisation au titre du fonctionnement défectueux des juridictions administratives (CE, ass., 28 juin 2002, req. n°239575).
La Haute juridiction s’est ainsi fondée notamment sur les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives et sur l'article 6 paragraphe 1 précité de la CESDH qui impose aux juridictions nationales de statuer dans un délai raisonnable.
La procédure d'indemnisation et les préjudices indemnisables
Le décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 a confié au Conseil d'État la compétence pour statuer en premier et dernier ressort sur les actions en responsabilité dirigées contre l'État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative (cf. article R.311-1 du code de justice administrative).
Aussi, après avoir lié le contentieux, le Conseil d’État doit directement être saisi.
Le recours à un avocat est obligatoire pour une telle procédure.
L'évaluation du caractère raisonnable du délai prend en compte plusieurs critères, notamment la complexité de l'affaire, l'enjeu du litige, et le comportement des parties.
Le préjudice indemnisable peut être matériel ou moral. Il doit aussi être direct et certain.
La réparation peut inclure des dommages matériels et moraux. Le préjudice moral est souvent présumé en cas de durée excessive, sauf circonstances particulières démontrant l'absence de préjudice.
La jurisprudence a en effet déjà reconnu les préjudices suivants :
- Préjudice matériel (CE, ass., 28 juin 2002, Garde des Sceaux, min. Justice c/ Magiera, req. n°239575 ; CE 25 janv. 2006, SARL Potchou et autres, req. n°284013).
- Préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence en raison des désagréments autres que matériels causés par les lenteurs procédurales (arrêt Magiera, préc., ou CE 26 janv. 2007, Sté Hélitransport et autres, req. n°293375, inédit) ou sur le terrain du préjudice moral (arrêts SARL Potchou et autres, préc.).
La durée excessive d'une procédure juridictionnelle est ainsi présumée entraîner, par elle-même, un préjudice moral « dépassant les préoccupations habituellement causées par un procès, sauf circonstances particulières en démontrant l'absence » (CE 19 oct. 2007, Blin, req. n°296529)
S'agissant de la réparation de ce préjudice moral, le juge peut se référer à la nature et à l'importance du litige principal, afin de déterminer le montant adéquat de la réparation (CE 29 oct. 2007, M. et Mme Decker, req. n°298781).
En résumé, pour engager une procédure d'indemnisation pour durée excessive devant la juridiction administrative, il est essentiel de démontrer que le délai de jugement a été déraisonnable et a causé un préjudice direct et certain. Le Conseil d'État est compétent pour statuer sur ces recours et l'indemnisation peut couvrir à la fois des préjudices matériels et moraux.
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