Ces dernières années, le législateur a eu pour objectif de restreindre le droit à recours des tiers dans le souci de faciliter la réalisation et les conduites des opérations de construction et de lutter contre les recours abusifs. Les objectifs de la loi ELAN à cet égard on été résumé par la doctrine de l'administration en des termes on ne peut plus clairs : "L’article L.600-7 facilite l’action en dommages et intérêts pour recours abusifs. Il n’exige plus un préjudice excessif et ne présume plus certains recours légitimes. L’article L.600-3 interdit de présenter une demande de référé-suspension après la date de cristallisation des moyens (sur cette date cf ci-dessous : « accélérer les délais de jugement »). L’article L.600-8 relatif à l’enregistrement des transactions « désistement monnayé » est modifié pour inclure les transactions antérieures au recours et pour interdire aux associations de transiger. L’article L.600-1-1 prévoit qu’une association n’est recevable à agir que si ses statuts sont déposés en préfecture au moins un an avant l’affichage de la demande d’autorisation de construire. Enfin l’article L.600-1-2 exclut la prise en compte des travaux de chantier pour déterminer l’intérêt à agir, ce dernier étant apprécié seulement au regard du projet. Il étend également les critères d’appréciation de l’intérêt à agir aux recours contre toutes les décisions relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par code de l’urbanisme."
C'est en effet dans cet objectif que le législateur a introduit au Code de l'urbanisme une disposition spécifique restreignant la faculté d'agir des associations en matière d'urbanisme, disposition qui intéresse particulièrement la décision commentée. Depuis la loi ELAN adoptée en 2018, il est précisé que l' "association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire" (Code de l'urbanisme, article L600-1-1). Auparavant, cette exigence d'une antériorité d'un an ne figurait pas dans les textes (Code de l'urbanisme, article L600-1-1 dans sa rédaction antérieure à la loi ELAN).
Une association qui ne pouvait justifier de cette antériorité avait contesté un permis de construire devant le juge administratif. C'est à cette occassion que l'inconstitutionnalité de cette disposition dans sa rédaction résultant de la loi ELAN a été soulevée. Le Conseil d'Etat l'a estimé sérieuse et a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel : "La question de l'atteinte que ces dispositions portent aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, présente un caractère sérieux. Il en résulte qu'il y a lieu, d'une part, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 et, d'autre part, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur la question prioritaire de constitutionnalité" (Conseil d'État, 31 janvier 2022, n°455122).
La décision du Conseil Constitutionnel à intervenir est donc susceptible de modifier l'approche des risques liés aux contestations des tiers en matière d'urbanisme en défaveur des porteurs de projet et en faveur des tiers. Ses conséquences éventuelles méritent d'ores et déjà d'être anticipées par les professionnels du secteur, notamment les promoteurs et aménageurs.
Le cabinet est à votre écoute :
- Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits par les recours des tiers en matière d'urbanisme et sur le plan civil, notamment dans le cadre d'un projet de promotion immobilière ;
- Pour vous accompagner en cas de litige avec un tiers, association ou propriétaire voisin ;
- Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et indemnitaires.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
le-ny.goulven@avocat-conseil.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022986QPC.htm