L'arrêt LA POSTE rendu le 23 janvier 2008 par la Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, est un arrêt d'importance et de très grande portée.
Participant le 28 mars dernier à un séminaire de formation au sein d'EUROJURIS France, le Professeur Hugues KENFACK de l'Université de TOULOUSE, nous a expliqué qu'il fallait se méfier des arrêts rendus par la Cour de Cassation le mercredi, en matière de baux commerciaux ; ces arrêts ont semble t'il beaucoup plus d'importance que ceux rendus par la même Chambre le mardi. Les spécialistes du droit des baux commerciaux siègent à la 3ème Chambre le mercredi et non le mardi (à bon entendeur).
Dans l'arrêt du 23 janvier 2008, LA POSTE était locataire d'un bail d'une durée de 12 années qui a pris effet le 1er janvier 1991. L'article 3-3 de ce bail stipulait qu'à l'issue du présent bail, le bailleur s'engageait à le renouveler pour la même période de 12 ans, si LA POSTE en faisait la demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au moins 6 mois avant l'échéance. Or, LA POSTE a formulé cette demande de renouvellement par acte en date du 12 juillet 2002, c'est-à-dire dans le délai de 6 mois avant l'échéance. Dès lors, le bailleur a fait notifier le 24 septembre 2002 un refus de renouvellement sans offrir l'indemnité d'éviction, la demande de renouvellement devant lui être notifiée, à ses yeux, avant le 30 juin 2002 conformément aux stipulations contractuelles. LA POSTE a assigné son bailleur devant le Tribunal afin de revendiquer le statut des baux commerciaux et obtenir une indemnité d'éviction.
La Cour d'Appel de MONTPELLIER a accueilli les demandes de LA POSTE, en estimant que la clause stipulée à l'article 3-3 du bail était contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L 145-10 du Code de Commerce et que s'agissant d'une clause illicite, elle doit être réputée non écrite, la disposition légale de l'article L 145-10 doit s'y substituer automatiquement.
La Cour de Cassation a cassé cet arrêt en estimant que les Juges du fond ne pouvaient prononcer une autre sanction que celle de la nullité édictée par l'article L 145-15 du Code de Commerce.
L'affaire est renvoyée devant la Cour d'Appel de PARIS.
L'arrêt a un intérêt certain. En effet, si LA POSTE attaque cette clause illicite par la voie d'action en nullité, elle va se heurter aux dispositions de l'article L 145-60 du Code de Commerce, qui prévoit que toutes les actions exercées en matière de baux commerciaux se prescrivent par deux ans. C'est la raison pour laquelle la Cour d'Appel de MONTPELLIER avait contourné cette difficulté en déclarant que la clause était non écrite. Une clause réputée non écrite est imprescriptible. La Cour de Cassation ne l'entend pas de cette oreille, car dès lors qu'un texte prévoit une sanction de nullité, le Juge ne peut pas y substituer une autre sanction.
La clause contractuelle prévue au bail litigieux prévoyait deux dérogations à l'article L 145-10 du Code de Commerce :
- le renouvellement du bail devait être demandé 6 mois avant l'échéance au lieu de pouvoir être demandé dans les 6 derniers mois du bail ;
- la demande pouvait être formulée par lettre recommandée avec accusé de réception alors que l'article L 145-10 du Code de Commerce impose l'acte d'Huissier.
Selon le Professeur KENFACK, il suffit à présent à LA POSTE, sans invoquer la nullité qui est frappée de prescription, de solliciter purement et simplement l'application du statut pour obtenir l'indemnité d'éviction née du refus du renouvellement du bailleur.
Il faut donc attendre les demandes que formulera l'Avocat de LA POSTE et l'arrêt à venir de la Cour d'Appel de PARIS, que nous ne manquerons d'insérer dans le présent blog.
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