NON : les dispositions du paragraphe VIII de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction résultant de l'article 7  de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique contraires à la Constitution.


Ces dispositions permettaient ainsi à un très grand nombre d’agents non habilités d’ avoir accès, sans l’accord du fonctionnaire dont ils instruisaient la demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS), à des données médicales.

Les dispositions du paragraphe VIII de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portent ainsi une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée du fonctionnaire.

Les informations à caractère médical sont définies par l’article L.1111-7 du code de la santé publique comme l’ensemble des informations concernant la santé d’une personne détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Sont notamment visés par cette disposition de façon non exhaustive les résultats d'examen, les comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, les protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, les feuilles de surveillance, les correspondances entre professionnels de santé.

Pour sa part, la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a considéré que constituent des informations médicales des radiographies (20180996), des clichés d’IRM (20144604), des notes d’un médecin (20130447), des certificats médicaux, un rapport d’autopsie (20123718), des clichés d’un bloc opératoire au cours d’une intervention (20130176), des enregistrements vidéo de séances de thérapie familiale (20050872), des enregistrements sonores de conversations téléphoniques (2017144320164178).

Le paragraphe VIII de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction résultant de l'article 7  de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique disposait que :

« (…) Nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent article. (…) »

Dans sa décision n° 2021-17 QPC du 11 juin 2021 le Conseil constitutionnel a déclaré que ces dispositions étaient contraire à la Constitution.

Il a jugé que cette disposition, que lui avait renvoyée le Conseil d’État à la demande d'une QPC de l’UNSA fonction publique était contraire à la Constitution car elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée du fonctionnaire garanti par l'article 2 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen.

Voir Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 06/04/2021, 449040, Inédit au recueil Lebon (UNSA Fonction publique)

Aux termes du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : « Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service ».

L'article 7  de l'ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 a introduit à ce même article un VIII, qui dispose que « Nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent article ».

L'UNSA Fonction publique soutenait que les dispositions précitées de ll'article 7 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 porte atteinte au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen.

La liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

Ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la communication des données à caractère personnel de nature médicale.

l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que, lorsque son incapacité de travail est consécutive à un accident ou à une maladie reconnus imputables au service, le fonctionnaire a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service, durant lequel il conserve l’intégralité de son traitement, jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite, et peut bénéficier du remboursement des divers frais médicaux entraînés par l’accident ou la maladie.

Les dispositions contestées autorisent des services administratifs à se faire communiquer par des tiers les données médicales d’un agent sollicitant l’octroi ou le renouvellement d’un tel congé, afin de s’assurer que l’agent public remplit les conditions fixées par la loi pour l’octroi de ce congé et, en particulier, qu’aucun élément d’origine médicale n’est de nature à faire obstacle à la reconnaissance de l’imputabilité de l’accident ou de la maladie au service.

En outre, cette communication peut se faire « nonobstant toutes dispositions contraires », c’est-à-dire sans que le secret médical puisse être opposé.

En dotant l’administration de moyens de s’assurer que l’ouverture de ce droit à congé est conforme aux conditions légales, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics.

Toutefois, les renseignements dont les services administratifs peuvent obtenir communication des tiers sont des données de nature médicale, qui peuvent leur être transmises sans recueillir préalablement le consentement des agents intéressés et sans que le secret médical puisse leur être opposé.

Or, d’une part, ce droit de communication est susceptible d’être exercé par les « services administratifs » placés auprès de l’autorité à laquelle appartient le pouvoir d’accorder le bénéfice du congé.

Ainsi, en fonction de l’organisation propre aux administrations, ces renseignements médicaux sont susceptibles d’être communiqués à un très grand nombre d’agents, dont la désignation n’est subordonnée à aucune habilitation spécifique et dont les demandes de communication ne sont soumises à aucun contrôle particulier.

D’autre part, les dispositions contestées permettent que ces renseignements soient obtenus auprès de toute personne ou organisme.

Dès lors, ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le paragraphe VIII de l’article 21 bis  de la loi du 13 juillet 1983 doit être déclaré contraire à la Constitution

SOURCE : Conseil constitutionnel, 11 juin 2021, n° 2021-917 QPC