Depuis l’annonce du Président de la République sur le sujet, les modalités de la suspension ou du report de l’obligation de payer les loyers étaient attendues impatiemment.

L’ordonnance du 25 mars 2020 apporte enfin une réponse ou, devrait-on dire, des éléments de réponse.

Tous les chefs d’entreprise espéraient légitimement trouver dans ce texte le fondement d’un droit au report des paiements, voire une annulation des échéances. Mais à la place, vous n’y trouverez qu’une exemption de toute pénalité et conséquence juridique à un défaut de paiement des loyers et charges dont les échéances de paiement sont postérieures au 12 mars 2020.

En clair, ce texte ne vous autorise pas à ne pas payer vos loyers, mais empêche le bailleur d’agir contre un défaut de paiement.

 

Concrètement, les loyers et charges restent dus et s’ils ne sont pas payés, ce ne sera que dans le cadre d’un moratoire implicite qui s’imposera de facto au bailleur.

En revanche rien dans cette ordonnance ne vient régler le sujet du paiement qui devra intervenir lorsque l’état d’urgence sera levé. Nous comprenons simplement que le bailleur ne pourra exiger d’intérêts de retard ni fonder son action en résiliation sur ces loyers et charges.

Tout ceci devra donc être négocié de gré à gré avec le bailleur, au besoin sous l’égide du juge.

 

A noter que cette ordonnance protège aussi les cautions, dont l’engagement ne peut être déclenché par le défaut de paiement.

 

Cette « autorisation administrative de défaut de paiement » concernera tous les loyers et charges dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars et l’expiration d’un délai de 2 mois après le terme de l’état d’urgence en cours, soit au final le 24 juillet 2020.

Ne peuvent toutefois invoquer cette ordonnance que les entreprises et professionnels libéraux qui répondent aux critères d’éligibilité du fonds de soutien lui aussi créé par ordonnance, lesquels critères ont été définis par le décret du 31 mars à savoir en l’état :

« les TPE, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales qui font moins d’1 million d’euros de chiffre d’affaires ainsi qu’un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 euros et qui :

  • subissent une fermeture administrative ;
  • ou qui connaissent une perte de chiffre d'affaires de plus de 70% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. »

Voilà qui réduit drastiquement le champ d’application du texte, notamment du fait du critère de la perte du chiffre d'affaires.

Il faut toutefois comprendre, par l’emploi du terme « ou qui », que la perte de chiffre d’affaires est un critère alternatif à celui de la fermeture administrative, laquelle vise toutes les entreprises qui ne sont pas comprises dans l’annexe du décret du 23 mars 2020 listant les activités pouvant continuer d’exercer en période de confinement.

A noter qu'au vu des retours de terrain, Bercy envisage d'assouplir ces critères en abaissant à 50 % le taux de perte pour mars 2020.

 

Or l’application de l’ordonnance étant soumise à ces critères d’exigibilité, il faut entendre que les bailleurs vont à leur tour réclamer la preuve que leur locataire entre dans le champ de l’ordonnance, à défaut de quoi le droit commun du bail viendrait à s’appliquer. 

Sachant que dans le même temps, la clôture des bilans au 31 décembre est évidemment ralentie, l’administration de cette preuve devra être différée.

En l'état, il faut privilégier la négociation et prendre les devants avec les bailleurs, qui pour nombre d'entre eux font preuve de compréhension en adaptant d'ores et déjà leurs facturation.

Paris, le 2 avril 2020