Brève sous l’arrêt Cour de cassation, troisième chambre civile, 4 juillet 2024, 23-13.822

Dans cette histoire, une boutique de vêtements, locataire de locaux commerciaux, cède par acte sous seing privé, son droit au bail au profit d’une autre société. L’agent immobilier en charge de commercialiser le droit au bail mandate, aux termes de l’arrêt de la Cour d’appel de Pau (25 octobre 2022), un « ami » pour rédiger l’acte de cession du droit au bail. Problème : le bail comportait des clauses spécifiques sur la cession du droit au bail, et prévoyait notamment une signification au bailleur (acte de commissaire de justice).

Deux mois après, le propriétaire bailleur assigne la société venderesse en résiliation du bail à ses torts exclusifs pour ne pas avoir respecté les clauses du bail sur la cession (et accessoirement, ne pas avoir payé les loyers et ne pas avoir exploité continuellement le fonds de commerce).

Dans un arrêt du 31 mai 2018, la Cour d’appel de Pau a prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial entre la boutique de vêtements et le bailleur.

C’est la catastrophe pour l’acquéreur du droit au bail, qui non seulement a payé ce droit au bail, a fait des investissements, mais en plus doit quitter les locaux !

L’acquéreur du droit au bail se retourne contre le vendeur, et demande l’indemnisation de son préjudice (coût du droit au bail, perte de matériel, investissements et travaux d’aménagement).

Le bailleur qui considérait l’acheteur comme sans droit ni titre, avait refusé les loyers de sa part, et donc la boutique de vêtements, vendeuse, avait été condamnée à payer les loyers jusqu’à la résiliation du bail et les indemnités d’occupation.

Pourtant, c’était bien l’acheteur qui pendant un peu plus de trois ans, avait occupé les locaux… Donc le vendeur demande remboursement à l’acheteur des sommes versées au bailleur à ce titre.

❌ La Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Pau et rejette le pourvoi.

Pour les juges, le vendeur ne peut pas demander à l’acheteur de lui rembourser les loyers et indemnités d’occupation versés au bailleur.

Le vendeur est seul et entièrement responsable de l’#éviction de l’acheteur (dont le bail a été résilié et qui se retrouve donc sans local !), d’autant que l’acquéreur était parti dès la signification (bien réalisée cette fois) de l’arrêt sur la résiliation du bail, intervenu entre le bailleur et le vendeur.

Résultat : le vendeur et l’acheteur ont tout perdu, tous les deux :

➡️Le vendeur : non seulement il doit rembourser à l’acheteur le prix payé pour le droit au bail qu’il ne peut plus valoriser puisqu’il est résilié, mais il doit aussi rembourser à l’acheteur tous ses investissements, travaux etc, et même payer les loyers et indemnités d’occupation sur la période où l’acheteur a occupé le local.

➡️ L’acheteur : il aura perdu plus de 3 ans d’exploitation, outre les frais engagés et le stress généré…

Leçon : lisez bien avec attention les clauses du bail sur la cession, et faites-vous accompagner.

????Le saviez-vous ? Si vous vendez votre fonds de commerce incluant votre droit au bail, le bailleur peut restreindre la cession en prévoyant un formalisme (comme la signification) mais ne peut pas vous interdire cette cession (article L. 145-16 du Code de commerce).