Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (20 novembre 2024, n° 2315.153) illustre l’articulation entre le droit de la consommation, le droit des transports et les règles en matière de preuve.
Dans cette affaire, un client qui avait subi des dommages lors du transport de ses meubles, a assigné l’entreprise de déménagement pour obtenir réparation. Débouté par le Tribunal Judiciaire de CAEN, il s’est pourvu en cassation, mais sans davantage de succès.
En effet, la Cour de cassation a rappelé que l’article L. 224-63 du Code de la consommation, applicable aux contrats de transport de déménagement, ne présume pas la responsabilité du transporteur en cas de perte ou d’avarie. Ce texte permet uniquement de prolonger le délai accordé au destinataire pour notifier une protestation motivée, sous peine d’extinction de son droit d’agir en responsabilité contre le transporteur. En l’absence de réserves précises formulées au moment de la livraison, il appartient donc au destinataire d’établir la preuve que les dommages ont été causés durant le transport.
Autrement dit, le consommateur doit émettre des réserves détaillées et explicites en cas de dommages constatés. À défaut, le transporteur bénéficie d’une présomption de livraison conforme.
Dans cette affaire, le client avait apposé des réserves générales sur la lettre de voiture, indiquant « avec réserves détaillées ci-dessous ». Cependant, aucune avarie spécifique n’avait été mentionnée de manière contradictoire en présence du chef d’équipe. Cette insuffisance a conduit à rejeter sa demande.
L’arrêt met en lumière l’importance cruciale des réserves pour établir la preuve des dommages dans les contrats de transport. Pour engager la responsabilité de plein droit du transporteur, les réserves doivent être précises et motivées. À défaut, une présomption de conformité s’applique, et le client devra apporter la preuve des dommages survenus lors du transport. Bien que cette preuve reste possible, elle constitue un exercice difficile que des réserves bien documentées auraient permis d’éviter.
Cet arrêt souligne donc la nécessité d’une vigilance particulière lors de la réception des biens transportés et d’une consignation rigoureuse des avaries constatées pour faciliter une éventuelle action en responsabilité.
RAPPEL LEGISLATIF
Si le déménagement comprend une opération de transport, l’article L. 133-9 du Code de commerce précise que « les dispositions des articles L. 133-1 à L. 133-8 relatives au voiturier s'appliquent aux entreprises de transport de déménagement dès lors que la prestation objet du contrat de déménagement comprend pour partie une prestation de transport ».
En matière de déménagement, le régime juridique de l’opération dépend de la qualité du client.
Si ce dernier est un professionnel, le Code de commerce s'applique.
A l'inverse, s'il est un consommateur, seul s'applique le Code de la consommation.
Depuis une loi du 8 décembre 2009, le délai de forclusion est de dix jours en présence d’un consommateur au lieu de trois jours lorsque le client est un professionnel ;
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 133-3 du Code de commerce, le délai de forclusion applicable aux contrats de transports de déménagement conclus entre un professionnel et un consommateur est fixé à dix jours calendaires révolus à compter de la réception des objets transportés. Les protestations motivées émises par lettre recommandée dans ce délai produisent leurs effets même en l'absence de réserves formulées à la livraison. Les réserves émises par le destinataire à la livraison et non contestées par le transporteur dispensent de la protestation motivée prévue au présent article. Lorsque la procédure à suivre pour émettre des réserves n'a pas été communiquée au consommateur dans les conditions fixées par arrêté ministériel, le délai prévu au premier alinéa est porté à trois mois » (article L. 224-63 du Code de la consommation).
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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