I        Si les taxis volants robotisés n’ont pas encore droit de cité dans notre espace aérien, des voitures armées comme des robots et munies de caméras sillonnent bien nos espaces urbanisés à la recherche des stationnements irréguliers des automobilistes.

 

Ces situations relevées automatiquement suscitent de légitimes inquiétudes de la part des usagers, suspicieux quant à la nature des preuves pouvant servir à établir l’irrégularité du stationnement relevée à leur encontre.

 

De plus, l’automobiliste serait-il tenté de contester la verbalisation dont il a fait l’objet que la procédure à suivre pour que sa situation soit réexaminée le conduit bien souvent, en raison de son caractère complexe et dissuasif à renoncer à entreprendre toute démarche.

 

Ces obstacles expliquent le peu de contentieux suscité jusqu’ici par cette matière devant le Conseil d’Etat.

 

De ce point de vue, la décision en date du 18 novembre 2024 concernant le dispositif mis en œuvre par la ville de Paris revêt donc un intérêt particulier (1).

 

 Le Conseil d’Etat a eu à connaître d’un des aspects du système dématérialisé de stationnement payant de la ville de Paris en précisant les règles de preuve de l’infraction relevée de façon dématérialisée.

 

II       Avant de commenter la décision elle-même, il n’est pas inutile de rappeler brièvement à l’intention des automobilistes les modalités tortueuses de contestation d’un forfait post-stationnement (FPS).

 

Premier obstacle qui peut conduire à renoncer à la contestation, il n’est pas possible de saisir directement la juridiction administrative d’un recours contre l’avis de paiement du FPS. L’usager doit obligatoirement exercer un recours administratif préalable auprès de l’autorité locale mentionnée sur l’avis de paiement. Le délai pour ce faire est très court puisqu’il n’est que d’un mois.

 

L’administration dispose ensuite d’un mois également pour statuer sur le recours qui lui a été transmis. Si au bout d’un mois il n’a pas été statué sur ce recours administratif, celui-ci sera considéré comme ayant été rejeté. Le rejet pouvant également intervenir par décision expresse.

Ce n’est qu’à ce stade de la procédure que l’usager dispose du droit de saisir le juge administratif.

 

Mais un autre piège doit immédiatement être évité, celui de saisir le tribunal administratif de droit commun de son ressort, car il n’est pas compétent pour se prononcer sur les litiges relatifs au forfait post-stationnement.

En effet, le législateur a créé pour ce type de contentieux une juridiction spécialisée : la commission du contentieux du stationnement payant dont le siège est situé à Limoges. Seule cette juridiction est compétente pour statuer sur la contestation des forfaits post-stationnement.

 

Dans l’hypothèse où la commission après instruction rejetterait le recours contentieux intenté, il n’est pas non plus possible à l’automobiliste de faire appel comme il le ferait dans le cadre d’un contentieux ordinaire de droit commun.

Pour contester le jugement de la commission, il est en effet nécessaire de saisir directement le Conseil d’Etat par la voie d’un pourvoi en cassation. Cette voie de droit particulière est, elle aussi, par son caractère exceptionnel, de nature à décourager les plus entreprenants des requérants.

 

III      C’est pourtant ce parcours du combattant qu’a décidé d’emprunter une automobiliste, déterminée à soutenir qu’elle avait été verbalisée à tort.

 

A l’occasion de son pourvoi, le Conseil d’Etat a examiné le système de preuves opposé par l’administration à l’usager considéré en stationnement irrégulier et plus précisément celles qui déterminent la localisation du véhicule.

 

Ce qui était en cause plus précisément concernait la fiabilité du dispositif de lecture automatisé des plaques d’immatriculation déjà dénoncé par le Défenseur des droits dans son rapport de 2020.

 

Il ressort de nombreuses expériences que les caméras embarquées des véhicules en charge de relever les infractions semblent avoir une précision toute relative et qu’elles induisent ainsi en erreur les autorités administratives.

 

Dans l’affaire évoquée devant le Conseil d’Etat, la requérante soutenait que son véhicule était stationné du côté pair de la rue alors que le document notifiant le forfait post-stationnement mentionnait un véhicule situé du côté impair non autorisé.

En l’état du droit, les mentions portées par l’agent assermenté sur l’avis de paiement faisaient foi jusqu’à preuve contraire en application de la présomption fixée au II de l’article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales.

 

C’est sur cette question de preuve que l’apport de l’arrêt est important.

Le Conseil d’Etat a en effet considéré que, dans le cas où la contestation portait notamment sur la localisation du véhicule, il appartenait à l’administration de vérifier préalablement avec les photographies prises lors du constat la localisation exacte du véhicule sanctionné.

Les coordonnées de localisation telles qu’elles peuvent être indiquées par la Lecture Automatisée des Plaques d’Immatriculation (LAPI), ne doivent plus être considérées comme suffisamment fiables.

 

Le Conseil d’Etat condamne ainsi la pratique répandue dans les collectivités locales et qui consiste à rejeter systématiquement les contestations préalables en se fondant exclusivement sur la présomption d’exactitude de l’avis de paiement signé par l’agent assermenté.

 

Le Conseil d’Etat indique également que, devant la commission du contentieux du stationnement payant, faute pour l’administration de produire les preuves photographiques attestant du bien-fondé du forfait post-stationnement, il appartient à la juridiction d’user de ses pouvoirs inquisitoriaux pour solliciter ces éléments de l’administration qui est seule, rappelle la Haute Juridiction à les détenir. En cas de carence de l’administration à présenter ces preuves photographiques, la commission du contentieux doit en tirer les conséquences et faire droit au recours.

 

Dans l’affaire jugée par Conseil d’Etat le 18 novembre 2024, l’automobiliste audacieuse a finalement obtenu gain de cause dès lors que la ville de Paris a reconnu que son véhicule était stationné du bon côté de la voie.

 

Sa persévérance ouvre sans doute la voie à d’autres automobilistes qui n’osaient pas jusqu’à présent se lancer dans un contentieux à l’issue hasardeuse.

 

Désormais, lorsque l’usager contestera la localisation de son véhicule, il sait que grâce à la pédagogie dont le Conseil d’Etat a fait preuve, l’administration ou la commission du stationnement payant devront vérifier les photographies attestant de l’emplacement exact du véhicule sur la chaussée. En l’absence de production de ces preuves, il obtiendra le gain du procès.

 

 

 

Note de l’article :

 

1       CE, 18 nov 2024, req. n°472912  https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-11-18/472912.