L'employeur est tenu, à l'égard de ses salariés, par une obligation générale de sécurité. L'importance de cette dernière s'est accrue ces dernières années au regard des décisions jurisprudentielles et des conséquences de la crise engendrée par l'épidémie de Covid-19.
C'est l'une des particularités de l'obligation de sécurité : elle concerne toutes les entreprises, quels que soient leur effectif et leur activité, et tous les salariés quel que soit leur statut ou les spécificités de leur contrat de travail, ainsi que les apprentis et les stagiaires.
Fixé par le Code du travail, qui a mis à la charge de tout employeur l'obligation de prendre des mesures concrètes en vue d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la jurisprudence en a étendu les cas d'application : obligation de mise en oeuvre d'actions d'information et de formation à la sécurité, obligation de visites médicales et de prise en compte des recommandations du médecin du travail, responsabilité de l'employeur dans la prévention des risques psychosociaux et de ceux liés à la discrimination.
Une jurisprudence étendue dans le domaine du harcèlement au travail
Dorénavant, à l'aune du mouvement populaire #MeToo et de la libéralisation de la parole des femmes, l'employeur ne peut plus se contenter d'actions d'informations mais doit avoir un réel rôle actif dans la lutte de toute situation de harcèlement.
Aussi, par un arrêt du 6 décembre 2017, la Cour de cassation a considéré que l'obligation de prévention des risques professionnels, incluant les risques psychosociaux, est en soi distincte de l'interdiction de harcèlement, de telle sorte que l'employeur peut se voir condamné à verser au salarié des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité, sans même qu'un harcèlement ne soit établi par ailleurs.
Plus récemment encore, par un arrêt du 27 novembre 2019, la Haute juridiction a étendu l'obligation de sécurité de l'employeur en matière de harcèlement, en considérant qu'à la suite de la dénonciation d'une situation de harcèlement, l'employeur ne doit pas rester inactif et qu'il a l'obligation de diligenter une enquête interne et contradictoire lui permettant de sanctionner ou de disculper le salarié accusé de harcèlement.
De la même manière, en matière de discrimination, par un arrêt du 17 octobre 2018, la Cour de cassation a étendu l'obligation qui pèse sur l'employeur, en considérant que des propos à connotation raciste ou des injures sexistes s'apparentent à des violences morales qui peuvent, le cas échéant, engager la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité.
Crise sanitaire et responsabilité de l'employeur
La crise sanitaire engendrée par la Covid-19 n'a fait qu'accroître les obligations de l'employeur en matière de protection de la santé des salariés et les contraint à encore adapter et renforcer leur politique de sécurité. .
Chaque employeur est ainsi tenu d'intégrer les risques liés à la Covid-19 dans sa démarche d'évaluation et plus particulièrement à l'occasion de la mise à jour du Document Unique d'Evaluation des Risques (DUER) : écrans physiques en plexiglas, espacement des postes de travail permettant la distanciation physique, télétravail, horaires décalés pour ceux dont la présence sur les lieux de travail est nécessaire, dédoublement des équipes, etc.
A ces mesures collectives, l'employeur est également contraint d'ajouter des mesures de prévention individuelle comme le port du masque.
Des mesures efficaces inscrites dans un " plan d'ensemble "
Très récemment, des juridictions ont eu l'occasion de se prononcer sur l'efficacité des mesures prises par certaines entreprises en matière de protection contre la Covid-19, accentuant de fait encore la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité au travail. C'est ainsi que, par une décision du 24 avril 2020, le Tribunal judiciaire de Lille a considéré que seul un ensemble de mesures collectives et individuelles permet d'avoir un plan de prévention efficace contre le Covid-19.
Par un arrêt du même jour, la Cour d'appel de Versailles a, quant à elle, souligné que des mesures " au jour le jour " sans " plan d'ensemble maîtrisé " sont insuffisantes, notamment quand les effectifs sur site sont importants.
La jurisprudence a donc, dans le cadre de la crise sanitaire, effectué un véritable contrôle d'efficacité des mesures prises par les employeurs.
Responsabilité civile et pénale de l'employeur
Les problématiques relevant de l'obligation de sécurité sont d'autant plus importantes que l'employeur qui ne remplit pas son obligation peut voir sa responsabilité engagée.
Il lui faut alors prouver qu'il a pris toutes les mesures de prévention et de protection exigées par la loi, pour que sa responsabilité ne soit pas engagée lorsqu'un salarié se trouve exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité ou lorsqu'un tel risque se réalise.
En cas de contentieux, les juges du fond s'attachent à vérifier que les mesures prises sont concrètes et suffisantes : si tel n'est pas le cas, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera caractérisé.
La faute inexcusable de l'employeur peut aussi être retenue lorsqu'un salarié est victime d'un accident du travail ou contracte une maladie professionnelle, alors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger, mais qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié.
En définitive, l'employeur est désormais débiteur d'une véritable obligation de sécurité de résultat dont l'étendue de plus en plus importante l'oblige à prendre non seulement des mesures de prévention, mais aussi des mesures de protection, pour assurer la santé et la sécurité des salariés. Faute de quoi, le chef d'entreprise risque de voir sa responsabilité civile, voire pénale, engagée.
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