La problématique de la charge de la preuve se pose fréquemment à l’occasion des contentieux d’indus CPAM.

Aux termes d'un arrêt du 25 avril 2024, la seconde chambre civile de la Cour de cassation rappelle les règles de preuve des indus notifiés aux professionnels de santé, un rappel utile en cette période intense de contrôles menés dans le cadre de la lutte contre la fraude des professionnels de santé.

"Il appartient à l’organisme social qui engage une action en répétition de l’indu fondée, en application de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l’article L. 162-1-7 du même code, d’établir l’existence du paiement, d’une part, son caractère indu, d’autre part. Dès lors que l’organisme social établit la nature et le montant de l’indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d’en apporter la preuve contraire. Conformément à l’article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen par le professionnel de santé tant lors des opérations de contrôle effectuées par les services de la caisse qu’à l’occasion de l’exercice des recours amiables et contentieux."

En l'espèce, la procédure de restitution d'indu a été initiée à l'encontre d'une infirmière exerçant à titre libéral. L'indu portait sur la facturation d'actes de soins infirmiers (AIS 3) au lieu de AM1, la facturation de majorations d'acte unique ou encore de majorations de nuit.

A l’issue d’un contrôle des facturations d’une infirmière exerçant à titre libéral, portant sur des actes réalisés sur la période du 1er octobre 2012 au 30 novembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (la CPAM) lui a notifié un indu d’un montant de 72 020,09 euros.

Il était reproché à l’infirmière libérale d’avoir facturé des actes pour 9 patients sans avoir transmis les pièces justificatives

En appel, la Cour d’appel de Metz a estimé que l’indu notifié par la CPAM n’était pas justifié.

La CPAM forme un pourvoi, lequel repose sur deux moyens.

Elle invoquait d’une part une violation de l’article L.133-4 du code de la sécurité sociale.

D’autre part, il était reproché aux juges du fond d’avoir méconnu l’objet du litige en annulant un indu alors même que l’IDEL avait reconnu une erreur de cotation.

L’article se concentrera ici sur le premier moyen.

Il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir accueilli la contestation de l’IDEL et d’avoir annulé l’indu en admettant une production tardive des pièces justificatives.

La caisse considérait que les pièces produites tardivement par l’IDEL dans le cadre de la procédure contentieuse ne pouvait être prise en considération au motif qu’elles devaient être produites lors du contrôle et que la caisse ne pouvait exercer de contrôle sur les facturations litigieuses.

Depuis un arrêt du 13 février 2020, la seconde chambre civile de la Cour de cassation avait mis fin à la possibilité de régulariser a posteriori la transmission et la conformité des prescriptions fondant les facturations litigieuses (Sanction de l'irrégularité et de la transmission tardive des prescriptions médicales). Dans le cadre de différents contentieux, les CPAM n'avaient pas manqué de s'emparer de cette solution pour fonder leurs demandes de remboursement, ce dont témoigne également la présente affaire.

En l’espèce, le moyen est écarté par la Cour de cassation qui confirme l’annulation de l’indu notifié.

S’agissant des indus relatifs à la facturation d’actes de soins infirmiers (cotés anciennement AIS3), la Cour de cassation a relevé que les pièces produites aux débats ainsi que les explications de la caisse ne permettaient pas d’apprécier le bienfondé de sa réclamation.

S’agissant des indus relatifs à la contestation de majorations d’actes uniques et de majoration de nuit, la Cour constate en substance que la caisse n’apporte pas la preuve des facturations litigieuses.

S’agissant plus précisément de l’indu résultant de l’absence de prescription médicales, les juges constatent que l’IDEL avaient produit tardivement les prescriptions et factures afférentes.

Elle en déduit qu’il n’était pas justifié des indus litigieux.

Cet arrêt publié au bulletin laisse entrevoir des perspectives de défense plus favorables aux professionnels de santé.

Cela étant, il convient à mon sens de nuancer cette solution car la régularisation a posteriori des facturations ne va pas réellement de soi à la lecture des dispositions du code de la sécurité sociale.

La prise en charge par l’assurance maladie des actes effectués personnellement par un professionnel de santé libéral, des médicaments ou des dispositifs médicaux inscrits à la LPP implique que ceux-ci aient fait l’objet, préalablement à la réalisation des soins ou la délivrance des produits de santé, d’une prescription médicale écrite formulée avec toutes les précisions nécessaires et datée. Les éléments fondant la facturation doivent être adressés dans le délai réglementaire et c'est à cette date que s'apprécie normalement la conformité des facturations.

Les professionnels de santé font l'objet de récupérations d'indus régulièrement au motif de la transmission tardive des prescriptions (Sanction de l'irrégularité tardive des prescriptions médicales) ou de leur non conformité, quand bien même ils ne sont pas à l'origine du non respect des règles de prescription.

En pratique, il appartient à chaque professionnel de santé libéral :

  • de s'assurer de la régularité de la prescription médicale en sollicitant, dans la mesure du possible, sa modification en amont de la réalisation des soins ou de la délivrance des médicaments/dispositifs ou lors de la facturation.
  • de s'abstenir de toute rature, surcharge ou ajouts de mentions manuscrites directement sur l'ordonnance (la notion de falsification de prescription étant entendue très largement par les caisses)
  • de veiller au respect du délai réglementaire de transmission

Veiller à la conformité des prescriptions avant d'exécuter des soins ou de délivrer des produits de santé permet sans aucun doute de prévenir le risque de rejets des facturations et de récupérations d'indus.


Source commentée

Cass. 2e civ., 25 avr. 2024, n° 22-11.613, Publié au bulletin.

Pour approfondir:

https://www.huet-avocat.fr/conseil-et-defense-des-professionnel-de-sante-w1

https://www.huet-avocat.fr/details-indus+des+professionnels+de+sante+comment+se+defendre+efficacement-366

https://www.huet-avocat.fr/details-annulation+de+l+indu+notifie+au+titre+de+la+facturation+de+dispositifs+medicaux+par+un+pharmacien+en+execution+d+une+ordonnance+non+conforme-370

https://www.huet-avocat.fr/details-indu+cpam+sanction+de+l+irregularite+et+de+la+transmission+tardive+des+prescriptions+medicales-393