Introduite dans la fonction publique par l'article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, la rupture conventionnelle permet à l'administration et à son agent de convenir en commun de la cessation définitive des fonctions, ce qui entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire.

La mise en place de ce dispositif, qui n’existait pas dans la fonction publique avant 2019, résulte du constat que les outils statutaires ne permettaient pas suffisamment « d’inciter les agents qui le souhaitent à quitter la fonction publique et à les accompagner dans leur projet de mobilité ou de reconversion ». La rupture vise ainsi à favoriser « la fluidité des carrières entre l’emploi public et le secteur privé » (Etude d’impact de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, p. 259 et s.).

La rupture prend la forme d'une convention signée par les deux parties qui prévoit, notamment, le montant d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

Soumise à l’accord des deux parties, la rupture ne constitue pas un droit pour l’agent et peut être rejetée par l’administration dans l’intérêt du service :

« (…) la rupture conventionnelle, soumise à un accord entre l'administration et son agent sans pouvoir être imposée par l'une ou l'autre des parties, ne constitue pas un droit pour celui-ci. Saisie d'une demande de rupture conventionnelle présentée sur le fondement de ces dispositions, l'administration peut la rejeter dans l'intérêt du service. Il n'appartient au juge de l'excès de pouvoir de censurer l'appréciation ainsi portée par l'autorité administrative qu'en cas d'erreur manifeste » (CAA de TOULOUSE, 10/12/2024, 22TL22604 ; voir dans le même sens : CAA de NANTES, 19/11/2024, 23NT02079 ; CAA de MARSEILLE, 27/06/2023, 22MA02314).

Cependant, lorsque l’administration n’envisage pas de réserver une suite favorable à la demande de l’agent, la question s’est posée de savoir si un entretien préalable est obligatoire.

En effet, l’employeur public peut s’interroger sur l’utilité d’un tel entretien alors même qu’il n’entend pas, pour des motifs tirés de l’intérêt du service, lancer le processus et convenir d’une rupture.

La conduite d’un tel entretien revêt malgré tout un caractère obligatoire et son omission constitue un vice de procédure affectant la légalité de la décision de refus.

Il faut rappeler que l’article 2 du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle prévoit de manière impérative :

« (…) un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle ».

Sur cette question, le juge administratif a eu plusieurs occasions de se prononcer et, bien que la jurisprudence n’est peut être pas encore définitivement consolidée sur ce point, la caractère obligatoire de l’entretien a été affirmé à plusieurs reprises.

C’est tout d’abord ce que le tribunal administratif de Lille avait jugé dans une décision du 20 juillet 2022 :

« 3. Eu égard à l'objet de cet entretien, qui doit notamment porter sur le principe même de la rupture conventionnelle et alors même qu'une telle rupture ne peut résulter que de l'accord entre les parties intéressées, il résulte des dispositions précitées du décret du 30 décembre 2019, qui définissent précisément sur ce point les modalités d'application de l'article 72 de la loi du 6 août 2019, que l'autorité administrative dont il relève ne peut légalement opposer un refus à la demande régulièrement formée par le fonctionnaire qui envisage une telle rupture sans avoir préalablement organisé l'entretien qu'elles prévoient.

4. M. C soutient sans être contesté que la décision attaquée a été prise sans que l'entretien préalable prévu à l'article 2 du décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique n'ait été organisé. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure (Tribunal Administratif de Lille, 20 juillet 2022, N° 2005180).

Très récemment, et dans le même sens, le tribunal administratif de Lyon a annulé un refus de rupture conventionnelle au motif que l’entretien préalable n’avait pas été organisé, quand bien même la rupture « ne peut résulter que de l'accord entre les parties intéressées » : 

« 4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 2 du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019, qui définissent précisément les modalités d'application de l'article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, que l'autorité administrative ne peut légalement opposer un refus à la demande régulièrement formée par le fonctionnaire qui envisage une rupture conventionnelle sans avoir préalablement organisé un entretien préalable qui doit notamment porter sur le principe même de la rupture conventionnelle, alors même qu'une telle rupture ne peut résulter que de l'accord entre les parties intéressées.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A a présenté une demande de rupture conventionnelle auprès de la direction des ressources humaines du centre hospitalier d'Ardèche Nord, le 30 mai 2023. Or, il n'est pas contesté que préalablement à la décision attaquée, édictée le 5 juin 2023, Mme A n'a pas bénéficié de l'entretien requis à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. Seul un entretien est intervenu le 25 mai 2023, soit antérieurement à la demande de rupture conventionnelle de la requérante, à l'occasion duquel la requérante n'a donc nécessairement pas pu formuler ses observations à ce sujet. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la procédure suivie par le centre hospitalier d'Ardèche Nord est entachée d'irrégularité au regard des dispositions précitées de l'article 2 du décret n°209-1593 du 31 décembre 2019 et que, par suite, elle a été privée d'une garantie.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 5 juin 2023, lui refusant une rupture conventionnelle » (TA Lyon, 19 décembre 2024, n° 2306702).

Ce contrôle strict des règles procédurales à respecter avant d’opposer un refus invite l’employeur public à la plus grande vigilance quant à la réalisation de l’entretien obligatoire.

Comme toujours, il en va de la sécurité juridique de la décision prise pour donner suite à la demande de l’agent et de l’anticipation de tout risque contentieux.


Références :