Le professeur RAOULT assume la décision de son équipe de prescrire une molécule (la chloroquine) jusqu’alors réservée à d’autres usages, dans le traitement du COVID-19.
Face à cette décision, de nombreux acteurs et spectateurs des mondes médical et politique s’insurgent et demandent à ce que des essais cliniques soient achevés avant de prescrire ce médicament au plus grand nombre.
Dans ce débat apparu autour de la chloroquine, les prises de position apparaissent souvent sectaires, ou au mieux inexactes; surtout, elles laissent en suspens la question essentielle du cadre juridique dans lequel les choix médicaux sont réalisés.
Rappelons que la forme commerciale de la chloroquine utilisée par le Dr RAOULT, le plaquenil, bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché datant du 27 mai 2004.
Cette AMM se limite au traitements de quelques maladies évidemment sans rapport avec le COVID-19.
L’article 5121-12-1 du code de la santé publique précise dans quelles conditions un médicament peut être utilisé en dehors de son AMM:
« I.-Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
En l’absence de recommandation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
Ainsi, quand un médecin souhaite utiliser un médicament en dehors des utilisations prévues par son AMM (autorisation de mise sur le marché), il a deux options:
- demander une RTU (recommandation temporaire d’utilisation) établie par l’agence nationale de sécurité du médicament,
- décider de sa propre initiative, au regard des données acquises de la science, et en l’absence de toute alternative médicamenteuse disposant d’une AMM ou d’une ATU de prescrire le médicament pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
C’est dans ces conditions que le Professeur PAROLA, de l’IHU de Marseille déclarait à FRANCE INFO :
En pratique, tout médecin a le droit de prescrire un médicament en dehors de l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament s’il estime qu’il est dans l’intérêt de ses patients et que nous sommes dans une prescription dans l’état actuel de la connaissance. La connaissance n’est pas synonyme de l’autorisation de mise sur le marché. Un médicament est mis sur le marché lorsque des études ont été faites et 10, 20 ans après, on peut avoir un repositionnement, c’est-à-dire qu’un médicament devient utile pour une maladie pour laquelle les études n’avaient pas été faites. C’est ça être un soignant, être au courant de ce qui est le mieux.
Pour sécuriser sa prescription, le médecin devra veiller à l’information du patient, telle que définie dans l’article susvisé :
« Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, le cas échéant, de l’existence d’une recommandation temporaire d’utilisation, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et porte sur l’ordonnance la mention : » Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ou, le cas échéant, » Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation « .
Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.«
Chaque médecin doit donc prendre ses responsabilités au regard de ces textes.
Pas de contribution, soyez le premier