Le contexte :

Depuis le décret 2017-891 du 6 mai 2017, applicable pour les appels déposés à compter du 1er septembre 2017, le contredit a disparu au profit de « l’appel du jugement statuant sur la compétence. » Ce nouvel appel est régi par les articles 83 à 89 du Code de Procédure civile.

 

La procédure :

Quand un jugement statue exclusivement sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, l’appelant doit, dans le délai d’appel ramené à 15 jours, quelle que soit la juridiction qui a statué :

  • Déposer une déclaration d’appel précisant qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence,
  • Motiver sa déclaration d'appel, soit dans l'acte de déclaration d'appel, soit par conclusions jointes
  • Sous peine de caducité, saisir, dans le délai d’appel, le 1er président d’une requête afin d’être autorisé à jour fixe (en cas de représentation obligatoire), ou de fixation abrégée (en l’absence de représentation obligatoire),

 

En pratique :

On conseille de déposer, dans le délai d’appel et à la même date :

  • Une déclaration d’appel par RPVA précisant qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence, en y joignant une copie du jugement (article 901) et les conclusions d'appel au fond,
  • Une requête à jour fixe, sans nécessité de justifier d’un péril, par RPVA ou requête afin de fixation abrégée, selon qu’il s’agit d’une procédure avec représentation obligatoire ou pas, comportant, dans les deux cas, l’argumentation au fond, conformément aux exigences de l’article 918 du Code de procédure civile,
  • Les pièces en format « papier » déposées au greffe de la Cour.

Dès que l’ordonnance autorisant et fixant la date pour plaider à jour fixe aura été rendue, il faudra délivrer une assignation à jour fixe aux intimés, même s’ils ont constitué avocat (article 920 Code de procédure civile).

A quelles décisions s’appliquent ces dispositions ?

  1. Le texte des articles 83 et suivants vise les jugements. Cet appel est-il applicable aux décisions qui ne sont pas des jugements : les ordonnances de référés, les ordonnances du juge de la mise en état ?

La Cour de Cassation a tranché : les dispositions particulières applicables aux appels des décisions statuant en matière de compétence sont applicables dans tous les cas, quelle que soit la nature de la décision dont appel :

"5. Il résulte des articles 8384 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu’en ce cas, l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe.

6. L’application de ces textes spécifiques à l’appel d’une ordonnance d’un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l’ensemble du dispositif, dont l’objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d’une procédure unique et rapide pour l’appel de tous les jugements statuant sur la compétence."(Cass. 2e civ., 2 juil. 2020, n° 19-11.624, Publié au bulletin.)

2. Quand la compétence dépend d’une question de fond, le jugement rendu est-il mixte, auquel cas l’appel formé serait « classique », sans nécessite de jour fixe ou de bref délai ?

La question est fréquente en matière sociale : la compétence du Conseil de prud’hommes dépend de savoir s’il existe un lien de subordination et si le contrat peut être requalifié en contrat de travail.

La réponse était d'abord divergente selon les juridictions, et selon le libellé du dispositif du jugement.

En effet, certains jugements du conseil de prud'homme, après avoir rejeté l'existence d'un contrat de travail dans les motifs du jugement, se limitent, dans le dispositif, à se déclarer incompétent.

D'autres tranchent l'existence d'un contrat de travail dans le dispositif du jugement.

Selon la rédaction du dispositif du jugement, les délais et les modalités de l'appel sont-ils différents ?

Les Cours d'appel étaient divergentes.

Elles semblent désormais se fonder sur l’article 79 du code de procédure civile qui dispose : 'Lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes. Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond'.

Dès lors que la question de fond a pour unique but de déterminer la compétence, la décision n'est pas mixte et il convient de faire application des articles 83 et suivants du CPC.

"Le conseil de prud’hommes a statué sur l’existence d’une relation de travail, donc sur le fond du litige, dans l’unique but de déterminer sa compétence. Sa décision n’est donc par mixte et il ne peut en être interjeté appel qu’en respectant les dispositions de l’article 85 du code de procédure civile précité, donc comme en matière de jour fixe, ce qui suppose une ordonnance du premier président. "CA Angers, ch. prud'homale, 20 mars 2025, n° 24/00515; CA Douai, soc. a salle 2, 24 oct. 2025, n° 23/01170; CA Paris, pôle 6 ch. 1 a, 8 juil. 2025, n° 24/06707 ; CA Besançon, ch. soc., 17 juin 2025, n° 24/01893 ; CA Besançon, ch. soc., 26 nov. 2024, n° 24/00436. 

 

3. Si l’appel n’a pas été déposé dans les formes requises, quelle est la juridiction compétente pour statuer sur la caducité et l’irrecevabilité ?

La demande de caducité ou d’irrecevabilité doit en principe être formée devant le conseiller de la mise en état qui dispose d’une compétence exclusive en vertu de l’article 914 du code de Procédure civile. Mais, puisque l’appel  doit en principe être jugé selon la procédure à jour fixe (ou fixation abrégée), il ne devrait pas y avoir de conseiller de la mise en état et donc pas d’incident. Qui est donc compétent pour statuer sur cette demande et sous quelle forme faut-il la présenter ?

La Cour doit relever d’office la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel : « il s’ensuit que la déclaration d’appel est caduque, caducité que la Cour est tenue de constater (CA Paris, Pôle 6 chambre 2, 10 janvier 2019, RG 17/15343 et 20 décembre 2018, RG 18/07410). 

 

Véronique de La Taille,

Avocat Associée

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