La plateforme « Mon Master », qui a été mise en place en 2023, présente un caractère obligatoire pour les étudiants, qui ne peuvent candidater en dehors de cette plateforme. A l’occasion d’un recours, le Conseil d’Etat a précisé que ce recours obligatoire à la plateforme pour les candidatures était légal, tout comme la limitation du nombre de candidatures.

 

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En effet, la plateforme « Mon Master » a été créée par le décret n° 2023-113 du 20 février 2023, qui rend obligatoire le recours à cette plateforme pour les établissements publics ou privés autorisés à délivrer un diplôme de master.

Un requérant avait alors attaqué ce décret en constant notamment le principe du recours obligatoire au téléservice pour les candidatures en master, sans prévoir de dispositif d’accompagnement ou de solution de substitution.

Dans la décision commentée (CE. CHR. 31 octobre 2023, n° 471537, mentionnée aux tables), le Conseil d’Etat a eu l’occasion de répondre à cette question et d’apporter d’autres précisions.

 

Le pouvoir réglementaire est compétent pour imposer le recours à un téléservice

 

La position du Conseil d’Etat en matière de téléservices n’est pas nouvelle. En effet, elle a été fixée par une décision de Section du 3 juin 2022 rendue à propos du téléservice mis en place pour le dépôt des titres de séjour (CE. Sect. 3 juin 2022, Conseil national des Barreaux et a., n° 452798, publiée au Recueil).

Il ressort de cette décision que la mise en place d’un téléservice obligatoire ne relève pas du domaine de la loi, de sorte que le pouvoir réglementaire peut l’imposer lui-même sans avoir besoin d’un acte législatif le prévoyant.

Mais le pouvoir réglementaire ne peut toutefois le rendre obligatoire que si ce téléservice permet un accès normal et garantit l’exercice de leurs droits par les usagers. Pour ce faire, il doit tenir compte :

- De l’objet du service,

- Du degré de complexité de la démarche,

- Des conséquences pour les demandeurs,

- Des caractéristiques de l’outil,

- Du public concerné, notamment ses difficultés d’accès.

Ainsi, le Conseil d’Etat a tout de même encadré le recours à un téléservice obligatoire.

Il avait considéré, à propos des demandes de titre de séjour, que le pouvoir réglementaire pouvait mettre en place un tel téléservice obligatoire.

Sans grande surprise, il a donc considéré que le recours obligatoire à « Mon Master » pour le dépôt des candidatures en master était légal.

 

L’obligation d’utiliser « Mon Master » peut être faite sans dispositif d’accompagnement ou de substitution

 

Le requérant se prévalait, à propos de la plateforme « Mon Master », d’une part, qu’aucun dispositif d’accompagnement n’était prévu pour les personnes qui n’avaient pas d’accès à un ordinateur ou pour celles ayant des difficultés à les manier et, d’autre part, que du fait des dysfonctionnement, une solution de substitution devait être trouvée.

En effet, dans la décision de principe rendue en matière de téléservices (CE. Sect. 3 juin 2022, Conseil national des Barreaux et a., n° 452798, publiée au Recueil), le Conseil d’Etat avait jugé que, s’agissant des demandes de titres de séjour, le texte était illégal puisqu’il ne prévoyait pas de dispositif d’accompagnement pour les personnes qui n’avaient pas d’accès à un ordinateur ou pour celles ayant des difficultés à les manier.

Le requérant a donc tenté de faire juger la même chose en matière de demandes de masters.

Cependant, le Conseil d’Etat n’a pas repris pas le même raisonnement.

En effet, il a considéré que l’objet du service, le public concerné et les caractéristiques de l’outil ne rendaient pas un dispositif d’accompagnement nécessaire.

Il faut reconnaître qu’effectivement, les étudiants en cours de 3ème année de licence ne constituent pas exactement le même public que les demandeurs de titres de séjour, et que l’importance du dépôt d’une demande de titre de séjour (qui détermine la régularité du séjour sur le territoire) est plus grande qu’une demande d’accès en master. C’est ce qui explique sans doute la décision du Conseil d’Etat.

Toutefois, cette position apparaît toujours critiquable.

Il n’est certes pas discutable que l’immense majorité des étudiants en licence 3 n’aura aucune difficulté à manier un tel outil ou à avoir accès à un ordinateur.

Mais il ne peut pas être nié que l’accès à un ordinateur (qui doit peu ou prou être permanent puisque les étudiants doivent vérifier le statut de leurs dossiers en permanence) n’est pas une règle pour tous les étudiants.

De même, il est évident que certains étudiants (par exemple ceux atteints de certains handicaps) ont besoin d’accompagnement pour déposer et suivre leurs candidatures.

Dans ses conclusions sur la décision, M. Jean-François de Montgolfier évoque cette question pour l’écarter rapidement. En effet, il estime que les étudiants devant être accompagnés pour la plateforme auraient dans tous les cas dû être accompagnés de sorte que la plateforme n’y change rien.

Mais ce raisonnement apparaît un peu rapide dans la mesure où, d’une part, il n’est pas possible d’affirmer que les étudiants ayant besoin d’un accompagnement numérique auraient forcément eu besoin d’un accompagnement pour le dépôt de candidatures en master par un autre biais et, d’autre part, l’accompagnement à supposer qu’il soit présent dans les deux cas, ne serait pas le même.

Dans ces conditions, si la position du Conseil d’Etat est compréhensible, elle n’en demeure pas moins critiquable sur ce point étant donné la grande diversité des situations des étudiants.

 

Le nombre de candidatures sur « Mon Master » peut être légalement limité

 

Le Conseil d’Etat a également eu l’occasion, dans cette décision, de se prononcer sur la limitation par le décret du nombre de candidatures en master.

En effet, le requérant contestait cette mesure en affirmant qu’elle était contraire au principe d’égal accès à l’instruction et à la formation professionnelle.

Cependant, ce raisonnement n’a pas convaincu le Conseil d’Etat qui a considéré que le principe d’égalité n’impliquait pas que les demandeurs en masters soient « autorisés à déposer un nombre illimité de candidatures ».

Ainsi, le principe de cette limitation est confirmé.

Toutefois, cela ne signifie pas que la limitation du nombre candidature est toujours légal.

En effet, comme l’indique M. de Montgolfier dans ses conclusions, un second contrôle doit être réalisé sur l’acte fixant effectivement la limite pour vérifier qu’il n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

Cela signifie donc qu’il est légal qu’une limite soit posée au nombre de candidatures en master. Mais elle ne le serait pas forcément si cette limite était trop réduite.

 

Pour plus d'information sur les recours contre les refus de master, voir l'article : Quels recours en cas de refus de master ?

 

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