SALARIE NON RESIDENT : RETENUE A LA SOURCE ET  CHAUSSE-TRAPPE PROCEDURAL

Un jugement récent du Tribunal administratif de Paris (TA Paris 19-4-2023 no 2001555, RJF 2023, n°615) aborde la situation, parfois complexe, des retenues à la source pour les entreprises.

Il arrive en effet qu’une entreprise doive, d’elle-même, effectuer une retenue au profit de l’administration fiscale française sur certaines sommes qu’elle verse. Cette retenue vise à assurer le bon recouvrement de l’impôt dans des situations particulières.

Dans cette affaire, une société s’est vu notifier des rappels ainsi que des pénalités à raison de salaires versés à son gérant, domicilié au Maroc, et passibles de ce fait d’une retenue à la source en application de l’article 182 A du CGI.

Le taux de la retenue à la source peut atteindre 20 % du revenu net imposable.

Néanmoins, il est possible d’échapper à ce taux en démontrant que le taux moyen du bénéficiaire, résultant de l’application du barème progressif à l’ensemble des revenus (de source française ou étrangère), serait inférieur. C’est alors ce taux moyen qui est appliqué aux revenus de source française.

La société, souhaitant réduire notamment les lourdes pénalités dont elle faisait l’objet, a demandé que la retenue à la source soit minorée au regard du taux moyen d’imposition résultant des revenus mondiaux de son gérant.

Le Tribunal a jugé que la société ne pouvait introduire une réclamation en ce sens. Selon le juge administratif, dans la mesure où l’excédent de retenue à la source ne pouvait être déterminé avec exactitude que par le contribuable de l’impôt sur le revenu (en fonction de l’ensemble de ses revenus), seul ce dernier pouvait demander le remboursement de la retenue à la source.

Selon le rapporteur public, il fallait que le contribuable de l’impôt sur le revenu obtienne un avis d’imposition où figure la retenue à la source minorée et que la société s’appuie ensuite sur cet avis d’imposition pour demander la réduction des majorations.

On peut imaginer le désarroi des membres de la société à la lecture de cette décision. Ceci d’autant plus que les salaires à l’origine du litige étaient ceux de son propre gérant. Ils n’imaginaient pas une frontière procédurale aussi hermétique alors que c’est la société qui devait acquitter les retenues à la source litigieuse.  

Cette décision nous paraît intéressante car elle montre les pièges qui peuvent naître du caractère hybride de la retenue à la source : c’est l’entreprise qui la paie mais ce n’est pas elle qui, en principe, la supporte fiscalement et économiquement.

Dans ces conditions, est-il vraiment logique que l’administration puisse adresser un rappel de retenue à la source à la société. La proposition de rectification ne devrait-elle pas être adressée directement au contribuable de l’impôt sur le revenu sur le revenu ?

Il ressort de ce jugement que la position de l’entreprise est fragilisée : elle subit un rehaussement au titre de la retenue à la source et des pénalités et se trouve dans l’incapacité de se défendre de manière autonome.

En conclusion, en matière de retenue la source, il faut garder à l’esprit que les démarches administratives reposent à la fois sur l’entreprise et le salarié. Il en résulte qu’en procédure fiscale, il ne faut pas hésiter à agir simultanément sur ces deux plans.