Lorsque vous êtes envoyé en mission loin de votre domicile, vous engagez souvent des frais supplémentaires : hébergement, repas, déplacements… Pour compenser ces dépenses, votre employeur peut vous verser une indemnité dite « de grand déplacement ». Mais à quelles conditions cette indemnité est-elle due ? Est-elle exonérée de cotisations sociales ? Et surtout, êtes-vous réellement remboursé de ce que vous avancez ? Un arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2025 vient justement préciser vos droits.

 

Qu’est-ce qu’une indemnité de grand déplacement ?

Une indemnité destinée à compenser des frais réels

L’indemnité de grand déplacement est versée lorsque vous êtes contraint, pour des raisons professionnelles, de travailler loin de votre résidence habituelle, de manière temporaire, et que vous ne pouvez pas rentrer chez vous tous les soirs.

 

Elle vise à couvrir deux grandes catégories de frais :

 

  • Les frais de repas (quand vous ne pouvez pas manger chez vous),

 

  • Les frais de logement (hôtel, location meublée, chambre…).

 

Ces indemnités ne constituent pas un « bonus » ou un avantage : elles sont destinées à compenser des frais que vous ne supporteriez pas si vous étiez resté à proximité de votre domicile.

 

Une exonération sociale sous conditions

Pour que l’indemnité ne soit pas soumise à cotisations sociales (et donc, ne soit pas requalifiée comme un salaire), deux conditions doivent être remplies :

 

  • Vous devez être en situation réelle de grand déplacement ;

 

  • Vous devez avoir engagé des frais supplémentaires.

 

Ces règles sont prévues par l’article 5 de l’arrêté du 20 décembre 2002. Le montant exonéré varie selon le lieu d’affectation (France, DOM-TOM, étranger) et est plafonné. Par exemple, en 2025, l’indemnité de logement forfaitaire est limitée à 48 € par nuit en métropole.

 

L’arrêt du 10 avril 2025 : une clarification importante pour les salariés

L’affaire : un remboursement par retenue sur salaire

Dans l’affaire tranchée le 10 avril 2025 (Cass. 2e civ., n° 23-10.593), des salariés envoyés en mission en Corse étaient logés dans des appartements loués directement par leur employeur. Celui-ci retenait ensuite le montant du loyer sur leur bulletin de paie, tout en leur versant une indemnité forfaitaire.

 

L’URSSAF a considéré que, dans ce cas, les salariés ne supportaient pas réellement les frais de logement, puisque l’employeur avait réglé les loyers. Elle a donc requalifié une partie de l’indemnité comme du salaire soumis à cotisations sociales.

 

Ce que dit la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté cette analyse, en affirmant une chose essentielle :

 

« Il importe peu que la charge des dépenses soit avancée par l’employeur, dès lors qu’elle est effectivement supportée par le salarié. »

 

En clair, ce n’est pas parce que l’employeur paie le loyer à votre place que vous n’en supportez pas la charge. Si ce montant est ensuite déduit de votre salaire, vous en êtes bien le débiteur.

 

Une décision protectrice des salariés

La Cour rappelle aussi que les salariés, en déplacement, engagent d’autres frais en plus du loyer lui-même : produits d’entretien, charges annexes, équipements, téléphone, parfois double loyer s’ils conservent leur résidence principale… Tous ces frais sont bien spécifiques à leur situation de mission et doivent être considérés comme tels.

 

Cette décision vous protège donc en tant que salarié. Elle impose à l’URSSAF (et indirectement à l’employeur) de prendre en compte la réalité économique de votre situation, et pas seulement les apparences comptables.

 

Quels sont vos droits concrets si vous êtes en déplacement ?

Vous avez droit à une indemnité si vous ne pouvez pas rentrer chez vous

La notion de grand déplacement est admise si vous travaillez à plus de 50 kilomètres de votre domicile et que cela vous empêche raisonnablement de rentrer chez vous chaque soir. Ce critère est apprécié selon la distance mais aussi le temps de trajet (souvent plus de 1h30 aller simple). En cas de doute, prenez attache avec un avocat en droit du travail sur la ville de Versailles, 78. 

 

Dans ce cas, vous avez droit à :

 

  • Une indemnité forfaitaire de repas (si vous ne pouvez pas rentrer chez vous déjeuner ou dîner),

 

  • Une indemnité de logement (si vous devez dormir sur place).

 

Ces indemnités peuvent être versées au réel (avec justificatifs), ou de manière forfaitaire, dans la limite de montants fixés par l’administration.

 

L’indemnité ne doit pas être absorbée par des retenues injustifiées

Certains employeurs peuvent avancer les frais puis les compenser sur votre paie. Cela est possible, mais uniquement si vous n’êtes pas perdant au final.

 

Exemples :

 

  • Si votre employeur vous loge et vous retire un loyer plus élevé que l’indemnité de déplacement qu’il vous verse, vous devez obtenir un remboursement complémentaire.

 

  • Si votre employeur vous verse une indemnité forfaitaire sans vous demander de justificatif, il ne peut pas ensuite vous facturer un logement à un prix supérieur sans vous indemniser.

 

Vous pouvez contester une requalification ou un redressement

Si l’URSSAF ou l’employeur considère que l’indemnité n’a pas à vous être versée ou qu’elle constitue un complément de salaire, vous pouvez contester cette décision.

 

En cas de litige :

 

  • Vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes (si l’employeur vous prive d’une indemnité ou effectue des retenues injustifiées),

 

  • Vous pouvez également demander l’intervention du CSE ou de l’inspection du travail.

 

Ce que vous pouvez faire en pratique

Pour défendre vos droits, il est utile de :

 

  • Conserver les preuves de votre déplacement : ordre de mission, billets de transport, attestations de résidence temporaire, etc.

 

  • Comparer le montant de l’indemnité perçue avec les frais réellement supportés : si vous êtes perdant, vous pouvez réclamer un complément.

 

  • Demander à votre employeur le détail du calcul des indemnités, surtout en cas de retenue sur salaire.

 


En résumé : ce que vous devez retenir

  • Si vous êtes envoyé loin de votre domicile, vous avez droit à des indemnités de logement et de repas.

 

  • Même si l’employeur paie directement certaines dépenses, vous restez bénéficiaire d’une indemnisation, dès lors que vous en supportez le coût réel.

 

  • En cas de désaccord ou de requalification, vous pouvez contester, et la jurisprudence vous donne raison si vous prouvez que vous avez assumé des frais spécifiques à votre mission.

 

  • Gardez toutes vos preuves : distance, frais, retenues… Elles sont précieuses pour faire valoir vos droits.

 

 LE BOUARD AVOCATS

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